Cette phrase me tourne dans la tête depuis plusieurs jours : Il faut tout un village pour élever un enfant. Elle me tourne dans la tête, car en ce moment, je ne cesse de réfléchir et penser à ma famille.
Le texte que j'écris ici vous sera peut-être incompréhensible et difficile à lire. Je vous demande de m'en excuser. Je décide de l'écrire et le publier aujourd'hui car c'est un moyen pour moi de me détacher de la tristesse et la colère que génère chez moi mon analyse poussée de ma mère et de qui elle est. Une façon aussi d'en prendre acte, mettre noir sur blanc les faits et accepter que j'ai des pistes de réponses mais que je ne saurai sans doute jamais tout ce qui a contribué à ses choix et a favorisé la survenue des violences que j'ai subi dans mon enfance et mon adolescence. Une façon de faire le deuil d'une mère parfaite que je n'ai jamais eu et n'aurai jamais. Une façon de "passer à autre chose" et avancer.
Il y a quelques jours, ma tante est morte. Ma mère m'a téléphoné pour me l'annoncer et est restée exactement 58 secondes au téléphone pour me le dire puis a raccroché. Cela faisait pratiquement un an que nous ne nous étions pas parlées. 58 secondes...
Nous sommes en froid depuis l'été dernier, moment où j'ai posé des limites et exprimé des besoins auxquelles elle n'a pas donné suite.
Durant cette année, j'ai eu le temps de réfléchir sur ma famille, les liens qui m'unissent à elle. J'ai mis très longtemps à cesser de trouver des excuses aux membres de ma famille, beaucoup de temps à me dire que j'avais le droit de leur poser des limites, ne plus être en lien avec eux si ils ne respectent ni mes besoins ni mes limites, le droit d'être en colère contre eux, le droit de leur en vouloir, le droit de vraiment les voir tels qu'ils sont...
Ma mère.
Elle est née et a grandi dans une famille modeste d’ouvrier et de bergère. Ma grand-mère, à cause de la guerre, n’a pas pu passer son certificat d’étude. Elle a été bergère pendant un temps, poissonnière, vendeuse sur les étales des marchés…Mon grand-père était soudeur, ouvrier dans une usine. Ils ont eu deux filles, ma mère, l’aînée et ma tante. De ce que je sais, ma tante a toujours été la chouchoute. Elle était celle qu’on complimentait, celle qui plaisait. Dans la famille du côté de ma mère j’ai été très chouchoutée, j’étais complimentée, prise en photo... Un peu comme a pu l’être ma tante. Ma sœur a aussi souffert du rejet des autres et elle était plutôt vue comme revêche, têtue et solitaire un peu comme a pu l’être ma mère également dans son enfance. Je pense que ma mère s’identifie à ma sœur aînée et d’une certaine façon voit en moi sa propre petite sœur et peut-être que cela joue dans sa relation avec moi et ma sœur.
Mes grands-parents étaient très timides et avaient du mal à s’imposer à l’extérieur. Ma mère a été élevée dans ce climat très humble et discret où il ne fallait pas faire de vagues. Il fallait presque être invisible, ne pas exister, ne pas faire de problèmes. Il y avait une espèce de culture familiale de la honte, l’impression de ne pas être à la hauteur. Il ne fallait pas déranger, pas faire de mal…
Ma mère a je crois eu un parcours assez solitaire et a beaucoup souffert de moqueries et peut-être de harcèlement durant son enfance (son nez est un complexe). Je ne crois pas qu’elle ait eu d’amoureux avant mon père.
Ma grand-mère a peut-être été victime d’inceste pédocriminel par son père et ma mère et ma tante également par leur grand-père (voyeurisme et attouchement dont elle m’a parlé lorsqu’elles rendaient visite aux grands-parents. La grand-mère les faisait se laver dans une bassine dans la cuisine devant le grand-père qui les regardait puis elles devaient échapper à ses étreintes et ses attouchements lorsqu’elles se séchaient. Il cherchait à les faire s’assoir sur ses genoux, elles devaient l’éviter. Peut-être plus ? Le grand-père est mort lorsque ma mère était jeune majeur.
Ma tante s’est mariée à 21 ans. Ma tante a pris la pilule avant son mariage en cachette de ma grand-mère, le sujet sexualité et contraception était donc complètement taboue dans la famille. Juste avant le mariage, ma grand-mère l’a emmenée voir le vieux médecin de famille qui a fait des tests et du fait de la pilule, ceux-ci étaient anormaux, ma tante lui a caché qu’elle la prenait et le médecin lui a donné des médicaments croyant soigner une maladie qui ont provoqué une paralysie de la moitié du corps de ma tante et ensuite la perte de ses deux reins. Je ne sais pas la chronologie exacte des faits mais elle s’est mariée (les maladies sont-elles apparues avant ou après le mariage ?) et a appris qu’elle ne pourrait pas avoir d’enfants à cause de ses problèmes de santé. Son mari a demandé le divorce 13 ans plus tard, et s’est remarié avec une autre femme et a eu des enfants. Ma tante a gardé son nom de femme mariée toute sa vie. Ma grand-mère s’est occupée d’elle le reste de sa vie (surement à partir de mes 5 ans lorsque nous vivions en Afrique), elles habitaient toutes les deux dans la même barre d’immeuble HLM (ou juste à côté).
Quel part le mariage de ma tante a eu dans la rencontre de mes parents ? Est-ce que ma mère était jalouse de sa sœur et a été dans une course à qui aurait des enfants le plus rapidement ? Etaient-elles en compétition ?
Mon père est né au Maroc et s’est marié une première fois à l’âge de 21 ans avec sa première femme. Ils étaient tous deux des catholiques traditionnalistes de droite intégristes et royalistes. Mon père à 20 ans a été appelé au service armé et est renvoyé dans ses foyers un an plus tard. Quand a-t’il rencontré sa première femme et où ? Se connaissaient-ils vraiment si ils se sont marié juste après son retour de l'armée?
Selon le frère aîné de mon père qui partageait la même chambre que lui à l’adolescence, mon père avait de gros besoins sexuels et deux fois par jours ne lui suffisaient pas.
Sept ans avant ma naissance, mon père vivait dans sa maison avec sa première femme et leurs 4 enfants, elle lui refusait l’accès à sa chambre, ne supportant plus ses demandes sexuelles incessantes. Mon père aurait eu de nombreuses maîtresses, beaucoup des stagiaires qui venaient apprendre le tissage avec lui, dont ma mère. Il y a eu des rumeurs également dans la secte du fait qu’il a eu des maîtresses dans les maisons où il allait pour rénover les bâtiments et également avec ses stagiaires qui venaient apprendre dans sa boutique.
La rencontre de mes parents a eu lieu fin 1976 au minimum, peut-être avant ? Ma mère avait autour de 24 ans. Elle n’était donc plus vraiment une jeune majeure. Elle avait sa propre voiture (sa 4 L) qu’elle s’était payée toute seule et elle avait un travail de secrétaire comptable. Elle était donc indépendante et s’assumait. Avait-elle un appartement à elle ? Mon père était marié avec sa première femme depuis environ 13 ans, il avait 34 ans.
Ma mère est tombée enceinte vers décembre 1976 dans ce contexte plus que compliqué...
Pourquoi ne pas avoir avorté ? La loi Veil qui légalisait l’avortement était passée le 17 janvier 1975 (ma mère était enceinte soit pratiquement 2 ans après sa légalisation). Il était donc tout à fait possible pour elle de le faire. Pourquoi n’avait-elle pas de contraception ? La loi autorisant leur vente et leur usage datait du 19 décembre 1967 soit 10 ans auparavant. Mes grands-parents maternels étaient pratiquants catholiques mais n’étaient pas obsédés par la religion. Plus par mimétisme sociétal et du fait de leur éducation à la campagne. Ils n’étaient pas intégristes en tout cas. Elle a donc décidé de ne pas avorter et mon père l’a installée dans l’atelier à côté de sa maison avec sa femme et ses 4 enfants. Qu’est ce qui fait qu’une femme accepte de vivre ainsi ? D’être ainsi humiliée ? S’est-elle sentie piégée, rejetée par sa famille et par la famille de mon père ? Elle a néanmoins choisi de garder ce bébé et n’a pas choisi de partir et l’élever seule. Et ma sœur est née en 1977 (ma mère avait 25 ans).
Quelle part de pression de la société, qui à l’époque ne voyait de rôle aux femmes que lorsqu’elles étaient mariées et avaient des enfants, a eu dans sa décision de garder cet enfant ? S’est elle dit que c’était la seule possibilité pour elle de devenir mère ? Qu’est ce qui a joué dans sa construction et fait qu’elle pense qu’elle ne méritait pas mieux ? Quelle part de responsabilité a le patriarcat dans son histoire et ses choix ou non choix ?
Pourquoi ma mère s’est-elle coupée de toute sa famille et n’a pas vu en eux une ressource aidante et soutenante ? Est-ce que de possibles viols par son grand-père expliqueraient cela ? Avait-elle des troubles psys non diagnostiqués ? Ma mère n’a jamais été très joyeuse. Elle avait sans doute un fond dépressif. Mais je ne l’ai pas vue incapable de sortir de son lit, de se laver, de se nourrir. Je l’ai très souvent vue triste mais pas en larme ni suicidaire. Elle n’avait pas de phase en up non plus, elle était plutôt égale à elle-même en termes d’agissements et d’humeur à part une tendance dépressive en fond. Avec le recul, je pense qu’elle a possiblement un trouble de la personnalité dépendante ce qui explique en grande partie ses choix et son parcours de vie. (Elle n’a jamais été diagnostiquée par un professionnel, cet «auto-diagnostique » est une supposition de ma part).
De fait, elle était coupée également du soutien de la famille de mon père. Le frère aîné de mon père et sa femme avaient pris le parti de la première femme de mon père. Pour mes grands-parents paternels ça devait être très compliqué car ils ont perdu leurs 4 premiers petits-enfants eux aussi dans ce conflit et ont dû certainement être tiraillés et avoir peur de perdre complétement leur fils et perdre leur nouvelle petite fille (ma sœur) et petit fils (mon frère). Le frère de mon père qui est prêtre a dû essayer de le sermonner et également être tiraillé entre son jugement moralisateur et ses parents qui devaient le refreiner et lui demander de temporiser et garder le lien avec son frère…
La première femme de mon père étant catholique intégriste, il était inenvisageable pour elle de divorcer ainsi que pour sa famille. Elle est donc restée habiter dans la même maison que mon père malgré la liaison extra conjugale pendant au moins 2 voire 3 ans avec ma mère vivant dans l’atelier à côté de sa maison (puis avec ma sœur et mon frère)…
Le déclic du départ de la première femme de mon père a été le fait que mon père passe le soir de Noël avec ma mère et ma sœur au lieu de le passer avec elle et leurs 4 enfants. Elle a menacé d’empoisonner ma mère à plusieurs reprises. Que s’est-il passé cette nuit-là ? Quelles violences ont été faites ? Elle a fui avec ses 4 enfants en passant par la fenêtre le soir de Noël je ne sais pas exactement dans quelles conditions, très certainement sous la violence et les menaces de mon père. Elle lui a ensuite refusé le droit de voir ses 4 enfants et lui en représailles a refusé de payer la pension alimentaire. Le choix de s’engager dans la secte et faire rapidement des vœux définitifs qui impliquaient de donner tous ses biens à la secte était aussi en partie lié à cela, mon père voulait être insolvable pour ne pas être obligé par la justice à payer une pension alimentaire.
La violence était déjà omniprésente. Ma mère avait dû voir que mon père était violent physiquement et verbalement. Elle a été victime de violence conjugale, peut-être de viols conjugaux. Quelle part d’emprise mon père avait-il sur elle ? Qu’est ce qui a fait qu’elle se dise qu’un avenir était possible avec lui ? A ma connaissance, les parents de ma mère n’étaient pas violents ni verbalement ni physiquement, elle n’était donc pas conditionnée à accepter. Elle savait ce qu’était un couple sans violence avec l’exemple de ses parents. Ma mère a dû subir des violences éducatives ordinaires qui étaient la norme à l’époque mais mon grand-père n’était pas violent ni alcoolique.
Mon frère nait avec un écart de 1 an et 5 mois avec ma soeur. Mes parents se marient et mon père fait une reconnaissance de ses 2 enfants nés hors mariage (ma soeur et mon frère). Le divorce avec sa première femme a été prononcé avant mais à quelle date ? Et si le départ de la première femme de mon père a eu lieu le soir de Noël avant le mariage de mes parents alors cela signifie qu’elle était déjà divorcée officiellement et refusait de partir ?
Mon frère Loulou nait avec un écart de 1 an et 4 mois avec mon frère aîné. Ma mère rapporte que mon père l’oblige à monter sur le toit pour l’aider à réparer les tuiles alors qu’elle est enceinte, il l’oblige à travailler du soir au matin non-stop. Elle dit s’être mise à genoux dans la cuisine et avoir prié pour être délivrée parce qu’elle n’en peut plus. Pourquoi ne pas être partie ? Ma grand-mère n'avait pas encore la charge de la soeur de ma mère. Elle aurait donc possiblement pu être accueillie par ses parents et aidée par eux. Qu'est-ce qui a fait qu'elle ne le fasse pas?
Au 2 mois de mon frère cadet, mes parents font leur première visite de la secte. Puis installation définitive dans la secte à ses 1 an et 2 mois (mon frère aîné avait 2 ans et 6 mois, et ma sœur 3 ans et 11 mois). Vu les conditions de vie précaires, la maison de mon père devait très certainement être bien mieux niveau confort et sécurité pour des enfants en si bas âge. Pourquoi ma mère a-t ’elle accepté de perdre le confort et la sécurité matérielle de la maison de mon père? Est-ce la violence de mon père qui a fait qu'elle s'est dit que la vie dans la secte serait plus facile et meilleure?
Très certainement que la secte représentait pour mes deux parents une façon de redorer leur blason et retrouver une « virginité ». Ils n’étaient plus le couple adultérin. Ils étaient deux jeunes parents, mariés qui s’engage au service de Dieu pour aider et sauver des pauvres. Ils n’étaient plus des pêcheurs qui ont fauté mais de parfaits chrétiens qui mettent en pratique l’évangile jusqu’au bout. Une façon aussi d’expier leurs fautes sans doute en se mettant au service des autres, en se sacrifiant pour Dieu.
Pour mon père peut-être était-ce une façon de se rebeller contre ses parents et les faire payer, se venger ? Mes grands-parents étaient des catholiques fervents pratiquants. Au Maroc, ma grand-mère avait perdu une petite fille à l’âge de 14 mois en 1945, mon père avait 3 ans et il s’est dit ensuite toute sa vie mal aimé par sa mère, celle-ci ayant fait très certainement une dépression après cette perte brutale. Mes grands-parents étaient par la suite très en colère contre l’église qui avait refusé d’enterrer leur petite fille religieusement car elle n’avait pas été baptisée avant sa mort. Ma grand-mère en a gardé un profond ressentiment toute sa vie et lorsque mon oncle leur a annoncé qu’il voulait devenir prêtre, ils ont été très en colère. Le choix de mon père de s’engager dans une communauté catholique extrémiste a dû choquer mes grands-parents et sûrement générer de la colère, du ressentiment et de l’incompréhension. Mon père leur en voulait aussi d’avoir refusé qu’il fasse l’école des beaux-arts et qu’ils l’aient forcé à étudier pour avoir un « vrai métier », un Brevet d’étude industrielles. Mon père s’est toujours présenté à moi en victime d’une enfance difficile. Il disait avoir vécu dans une grotte avec ses parents lorsqu'ils sont venus en France sauf que lorsque je confronte ses dires avec ma cousine, il s'avère qu'il a vécu dans une maison troglodyte Rien à voir avec ce qu'il dépeignait...
Pour ma mère, vivre dans la secte, c’était aussi une façon de se faire des amies et un réseau de soutien sans avoir la marque de la maîtresse qui vole les époux. Elle n’avait ainsi pas besoin d’affronter vraiment sa famille et sa belle-famille puisque la secte restreignait ces échanges et contacts. Elle n’avait donc pas à se plier aux règles des rencontres et temps avec la famille élargie. Cela devait la soulager et l’arranger d’avoir ce contrôle et cet interdit là. Ma mère parle de lune de miel en évoquant leurs premières visites dans la secte. Ils arrivaient les bras chargés de légumes du jardin de mon père et étaient reçu comme des sauveurs par la secte. C’étaient des temps de partages très chaleureux et ma mère devait être heureuse de découvrir cette fraternité, sororité qu’elle ne connaissait certainement pas auparavant. Les familles présentes dans la secte étaient du même âge qu’elle avec des enfants en bas âge. Néanmoins, ma mère rapporte que les débuts dans la secte ont été très difficile pour les enfants avec beaucoup de pleurs et une difficulté particulière pour ma sœur de s’acclimater. Ma mère a été sermonnée et ont lui a dit que si les enfants ne changeaient pas de comportement, ils ne pourraient pas rester. Ma mère a dû faire pression sur ses enfants pour qu’ils obéissent et acceptent la situation. Un autre paradoxe dans ses dires est que mon père lui avait dit lorsqu’ils étaient dans sa maison au début qu’il mettrait ses enfants en pension dès le début de leur scolarisation et ma mère avait eu très peur de cela disant que ce serait un déchirement pour elle. Mais paradoxalement, dans la secte ses enfants n’étaient plus non plus avec elle et ne lui appartenaient plus non plus puisque nous étions gardés et élevés entre enfants par une personne désignée par le gourou… Elle a malgré tout considéré que c’était mieux pour ses enfants mais peut-être était-ce juste le fait de se retrouver seule avec mon père qui était insupportable et non le fait de ne plus s’occuper de ses enfants ? Elle parle aussi de chance pour ses enfants de voyager et d’apprendre la musique en entrant dans la secte. Des choses qu’aprioris mes parents n’auraient pas pu nous payer avec le versement de la pension alimentaire ? J’ai du mal à voir un véritable intérêt altruiste de ma mère car nous payer des études n’a pas été sa priorité donc peut-être était-ce juste un intérêt de façade parce que cela donnait une belle image de sociabilité et de maternité pour elle, elle sauvait la face?
La condition de leur acceptation dans la secte était que mes parents n’aient plus de relations charnelles. Cela a dû être un soulagement pour ma mère (c’est ce que la femme du gourou m’avait dit). Mon père avait des demandes hors normes et elle n’en pouvait plus. Le fait que ce soit la secte qui pose cet interdit a dû la soulager. Mais elle est tombée enceinte de ma sœur jumelle et moi donc elle ou mon père n’ont pas respecté la règle. Il a été question de les renvoyer de la secte. Ils ont été humiliés par le gourou et sa femme. Ma mère en garde un souvenir amer. La femme du gourou a été abjecte. La secte a finalement passé l’éponge à condition que cela ne se reproduise plus. Ils ont promis. Ma mère m’a-t ’elle rendu responsable d’avoir mis en péril son avenir dans la secte ? M’en a-t ‘elle voulu ?
La secte était une forme de libération parfaite pour ma mère paradoxalement. Elle n’était plus responsable de rien et n’avait plus rien à décider. Elle n’avait plus à nous habiller c’est la secte qui le faisait. Elle ne nous nourrissait plus, c’est la secte qui s’en occupait. Même notre scolarité ne sera plus de son ressort. Nous n’étions plus ses enfants, notre éducation ne dépendait plus d’elle. Elle n’était plus responsable. Cela a sans doute été une libération pour elle à la fois de ne plus avoir la charge énorme de devoir prendre soin de 4 tous petits enfants très rapprochés en âges et à la fois elle n’avait plus à subir mon père, il ne la dirigeait plus, elle faisait ses propres chemins sous les ordres d’autres personnes. Elle était aimée et appréciée dans la secte, elle a vite eu des postes à responsabilité qui lui permettaient d’être tranquille et gérer son temps.
Ils ont donc été autorisé 4 mois avant ma naissance de faire leur 1er engagement dans la secte (3 ans et 9 mois après la première visite de la secte ce qui est très long par rapport à l’engagement des autres membres, ce n’était pas la norme. Le « cas » de mes parents a été longuement en suspens).
La grossesse de ma mère a été difficile, ma sœur jumelle est décédée et ma mère a dû attendre 4 jours l’accouchement tout en sachant qu’elle avait un bébé mort dans son ventre et un autre vivant (moi). Je suis née à 33 semaines prématurée (normalement un bébé est à terme entre 37 à 40 semaines) et mise en couveuse pendant 1 mois. Ma mère avait 31 ans. Peut-être a-t ‘elle fait une dépression pendant la grossesse ou une dépression post partum très certainement ? Le fait que la femme du gourou dise à ma mère que la mort de ma sœur était le paiement des fautes de mes parents à Dieu a-t ’il fait qu’elle m’en veuille d’être vivante parce que je lui rappelais sa « faute » et sa culpabilité ? M’a-t ‘elle rendu responsable ?
Là encore, ma mère n’a pas décidé de quitter la secte et les conditions de vie déplorables dans lesquelles nous étions. Elle a eu une grossesse à risque et n’a pas quitté la secte. Elle a perdu une enfant et l’autre était à risque prématurée et hyper fragile et là encore, elle n’a pas quitté la secte. Ma mère a eu de multiples occasions de quitter la secte ou mon père et ne l’a jamais fait. Pourquoi?
Ma mère a perdu son père, à mes 1 an. Elle aurait pu aller vivre chez sa mère à cette occasion là aussi et ne l’a pas fait. Sa sœur n’était pas encore dépendante de sa mère et elle vivait toujours avec son mari.
En Afrique, mes parents ont adoptés non officiellement un petit garçon d'environ 2 ans dont les deux parents étaient emprisonnés dans la prison dont s'occupait mon père, ma mère n’a pas été protectrice et aimante (imposé par mon père ?). Il était malade, avait des vers, le ventre gonflé. Ma soeur et ma mère étaient dans le rejet. Comment une mère peut-elle ne pas s’attacher à un petit enfant vulnérable qui n’a plus personne pour prendre soin de lui puisque ses parents sont tous les deux en prison ? Comment une mère peut-elle abandonner cet enfant en décidant cela en 3 jours et le laisser là sans s’en préoccuper ni savoir ce qu’il va devenir ? Comment une mère peut-elle ne plus jamais en parler ensuite et faire comme si cet enfant n’a jamais existé ?
Dans la secte, mes parents étaient vu comme le couple parfait avec les enfants parfaits. Beaucoup d’enfants me disaient qu’ils aimeraient avoir mes parents comme parents. C’était tellement paradoxal !!!
Ma mère est dans un rôle de care uniquement quand la personne est dépendante. Elle s’est occupée de mon père jusqu’à sa mort puis elle a vécu avec ma grand-mère en HLM jusqu’à sa mort prenant soin de ma grand-mère et de sa sœur, ma tante. Et elle a veillé sur ma tante jusqu’à son décès il y a quelques semaines. Les 3 seules moments où elle a été dans son rôle de mère avec moi ont été à mon adolescence, à la naissance de ma plus jeune fille et après la mort de Loulou et ma tentative de suicide. A l’adolescence elle s’est rapprochée de moi peut-être parce que ma soeur n’était pas là et qu’elle n’avait personne d’autre et ou peut-être pour se laver sa conscience et se faire pardonner. Ensuite, elle s’est occupée de ma plus jeune fille et l'a gardée pendant que je travaillais car c’était un moyen pour elle d’échapper à mon père et ses colères et de se dissocier de lui parce que la secte commençait à le rejeter à cause de ses colères et sa paranoïa. Puis elle m’a soutenu après la mort de Loulou parce que j’étais dépendante et fragilisée.
Ma mère a peut-être un trouble de la personnalité dépendante. Et elle alternait entre dépendance en se soumettant et se positionnant en petit bébé qui a besoin d’être prise en charge (dans la secte ou actuellement avec ma soeur) et en contrôlant sa dépendance et se mettant en caregiver. Le cargiving lui permettait de préserver le lien mais n’était pas authentique.
Ma mère est très peu une mère.
Elle est agresseuse par ses maltraitances, ses négligences, son absence de protection. Elle a abandonné ses enfants par facilité. Elle a entretenu les violences par sa lâcheté et sa passivité.
Elle est une victime du patriarcat, elle a subi des violences conjugales peut être des viols et peut-être de l’inceste de son grand-père. Elle a peut-être été dépressive. Elle a peut-être un trouble de la personnalité dépendante.
Ma mère est une mère de façade. En privé elle brille par son silence, son absence, en public, elle joue au cinéma de la famille unie et parfaite, elle fait semblant.
Il est difficile pour moi de la voir comme agresseuse malgré tous ces faits car sa violence n’était pas active. Elle ne tapait pas, ne criait pas, ne blessait pas avec des mots. Elle blessait par ses non choix, par ses silences, par son absence. Elle blessait par son égoïsme. Si on exprimait du mal-être par de la colère ou de la tristesse, elle se victimisait encore plus, se mettait parterre, pleurait et nous étions obligés de la consoler et de prendre soin d’elle. Elle nous retirait le droit d’exprimer nos émotions.
Elle n’a jamais été une mère. Une mère ne fait pas tout ce qu’elle a fait.
J'en suis arrivée à la conclusion qu'il faut certes un village pour élever un enfant mais il faut toute une famille pour faire du mal à un enfant, en violer un. Elle a été indéniablement l'un des maillons qui a permis que je sois tant maltraitée.
Merci pour votre témoignage !
Actuellement dans mon parcours, je prends de plus en plus conscience que mes parents n'étaient pas que mes parents (ils ne sont plus de ce monde), mais des personnes à part entière, avec une vie à part entière, un conditionnement profond dont on ne peut connaître toute la profondeur, issus d'un vieux monde, tellement dur, tellement ancestral, avec tellement peu, non pas d'occasions, comme celles que votre mère ne semble pas avoir su saisir, mais de capacité de prise de conscience profonde, privilège plus approprié à notre époque si on veut bien en saisir la chance, chance très difficile à assumer, très périlleuse, très solitaire souvent, malgré l'aide de beaucoup de connaissance aujourd'hui dont nos…