Quel espoir de guérison ?
Je ne suis pas "guérie". Je suppose que dans 1 an ou 3 ans lorsque je relirai ce texte, je voudrai le modifier et y ajouter bien des choses...
Voilà ce que je sais jusqu'à maintenant sur mon espoir de "guérison" :
Les pros du traitement des personnes gravement traumatisées ne sont pas d'accord sur la "finalité" du traitement.
Certains pensent que seule "l'intégration totale" doit être faite quitte à forcer le patient et ses parties à accepter de "fusionner" en une unique personnalité (redevenir une personne comme tout le monde, celle qu'elle aurait dû être à l'origine si il n'y avait pas eu les traumatismes). Pour cela, ils insistent et poussent les parties à "capituler" en les harcelant de questions et en leur montrant la nécessité absolue de fusionner.
D'autres pensent qu'il faut laisser le choix aux différentes parties, faire un maximum d'"intégration" mais laisser les parties choisir de "fusionner ou non" si elles le souhaitent.
C'est un peu comme si notre sens du moi, notre cerveau cessait d'être cloisonné et compartimenté et devenait un "open space" où chaque partie est libre de se déplacer à sa guise, où toutes les informations circulent librement...
Ceux qui sont pour l'"intégration totale" pensent que s'il subsiste une partie non fusionnée, le risque est grand que nous soyons à nouveau dissocié au moindre problème ou difficulté que nous pourrions rencontrer dans notre vie par la suite. Ils pensent que la coopération entre les parties subsistantes pourrait se rompre à nouveau et ne plus fonctionner si nous perdions un proche ou avions un accident et que la dissociation et les barrières/amnésies dissociatives recommenceraient, l'incompréhension mutuelle reviendrait et cloisonnerait tout à nouveau...
Je ne sais pas ce que mes parties et moi nous déciderons à la fin de notre thérapie. Mais je ne peux m'empêcher de ressentir de la colère lorsque j'entends que certains thérapeutes forcent leurs patients à fusionner. Nous avons été "forcé" toute notre vie, nos besoins les plus primaires, nos besoins les plus fondamentaux n'ont pas été respectés et nous avons dû nous construire en dépits de ces manques. Nous avons survécu à des choses atroces toute notre vie et la société, nos proches, tout le monde a fermé les yeux et laissé faire... Lorsque nous avons pu nous reconstruire enfin, que nous avons trouvé un thérapeute, une personne qui enfin nous voit, nous entend et nous aide, nous avons dû affronter le regard de la société et son jugement. Les personnes avec des troubles mentaux sont jugées dangereuses, folles ou faibles alors qu'elles devraient être perçues comme ce qu'elles sont : des personnes incroyablement fortes et combatives, des personnes que l'on devrait admirer pour leur force de vie. Et je pense que nous forcer à fusionner c'est nous retirer à nouveau notre libre-arbitre, notre droit aux choix sur notre vie, notre propre choix sur qui nous voulons être. Pour moi, c'est d'une certaine façon perpétrer à nouveau un viol sur notre esprit.
Ce que je vois moi, c'est que la société en général, les gens, n'observent pas, n'écoutent pas, ne regardent pas... Certes ma dissociation tant qu'elle perdure avec des barrières amnésiques se révèle un handicape dans ma vie de tous les jours car elle m'empêche de fonctionner efficacement et d'avoir toutes les informations qui arrivent à mon cerveau en même temps pour m'aider à agir mais cette dissociation se révèle aussi pour moi comme un "atout". Je peux être occupée, concentrée à une tâche comme tout un chacun mais en même temps j'ai des "dizaines de paires d'yeux" qui observent, écoutent, analysent tout ce qui se passe autour de moi. Je mets ce terme entre guillemets car je sais que mes parties ne sont pas des vrais personnes à l'intérieur de moi mais mon cerveau a trouvé le moyen de me rendre consciente de beaucoup d'informations en même temps contrairement à une personne "normale".
Une personne "normale" a aussi un peu cela, il peut arriver que notre corps ait une réaction physique pour exprimer quelque chose que notre cerveau a perçu inconsciemment : les poils qui se hérissent par exemple si on sent un danger. Mais vous n'aurez pas, ou alors de manière très longue et lente, d'analyse de ce ressenti pour vous amener à prendre conscience que quelque chose cloche. Moi, cette conscientisation se fait instantanément ! Toute la journée, en permanence, j'ai des pensées, des réflexions, des analyses de la moindre chose qui se déroule dans mon environnement. Je peux travailler et être concentrée sur quelque chose et en même temps, j'ai des parties qui vont regarder alentour et observer les gens et interpréter leurs actions, leurs sentiments, leurs ressentis, toutes les expressions verbales et non verbales... Je peux repérer très rapidement si quelqu'un est triste ou désespéré, je peux percevoir l'état d'âme des gens à leur langage non verbale, la posture de leur corps, l'expression dans leurs yeux... J'ai des parties qui en une fraction de secondes dans mon esprit vont balayer toutes les actions possibles et leurs conséquences pour répondre à une situation donnée. Pour l'instant c'est encore le chaos car on ne s'entend pas complètement, on n'analyse pas les choses de la même façon ou on ne se concentre que sur un point mais lorsque la cohésion intérieure sera complète je pense que ce sera une grande force pour moi !
Je refuse d'être un adulte comme j'en ai croisé tout au long de ma vie complètement sourd et aveugle. Mon cerveau a développé des capacités incroyables. Nous en sommes aux balbutiements en terme de recherche sur le cerveau. Les chercheurs disent que nous n'en utilisons qu'une très infime partie. Je crois que moi j'ai trouvé le moyen d'en utiliser un peu plus. Cela semble un peu pompeux et prétentieux de dire cela mais j'en ai marre qu'on me considère comme une faible, une fragile, une personne à cacher dans un hôpital psychiatrique ! J'ai survécu au pire et je suis fière d'être ce que je suis ! Et je ne "fusionnerai" pas juste pour "rentrer dans la norme" ou "être normale".
A ce stade, je pense qu'une majorité de mes parties fusionnera (car être trop de parties complique la cohésion dans la prise de décisions) mais que je garderai certaines parties telles que les "observatrices", les "analyses" et les "contrôles". Je veux rester une personne avec les yeux et tous les sens ouverts. Je veux pouvoir aider et secourir si je perçois des signes. Je ne veux pas être une complice comme l'ont été tous les adultes autour de moi.
Nous avons parlé de l'intégration à de nombreuses reprises avec ma psychologue. Au début, cela me faisait très peur car j'avais beaucoup de mal à comprendre comment cela allait se dérouler, en quoi cela consistait exactement. J'aimerais avoir la possibilité d'échanger avec une personne l'ayant fait, lui exprimer mes peurs, mes doutes et savoir concrètement et physiquement ce que cela fait. Jusqu'à maintenant je n'ai trouvé aucun témoignage ou livre l'expliquant.
Je vais tenter de vous expliquer mes "stades de l'intégration" :
Réaliser que nous sommes dans un seul et même corps.
La plus part de mes parties avaient la croyance erronée que nous avions chacune un corps différent.
Lorsque j'ai fait une tentative de suicide il y a quelques années, la partie qui a fait ce geste n'a pas réalisé que c'était nous toutes qui allions mourir. Elle croyait qu'elle seule allait mourir. C'est pour cette raison qu'au moment ou je l'ai fait, je n'ai eu aucune pensée pour mes filles (pour cette partie, je n'en avais pas), je ne savais plus que j'avais trouvé une solution, un nouveau travail et que j'allais m'en sortir (cette partie se considérait comme étant une enfant et n'avait donc jamais travaillé), cette partie n'avait pas connaissance d'amis ou de connaissances vers qui j'aurais pu me tourner (elle ne les connaissait pas). Tout ce qu'elle savait c'est que mon violeur (le gourou) et sa famille me harcelaient (c'était le cas dans le présent)… Je mets le pronom "je" mais c'est difficile pour moi de savoir lequel serait le plus adéquat pour vous faire comprendre le fait qu'à l'époque je n'avais aucune conscience des différentes scissions à l'intérieur de moi et des moments où je faisais des choses sans en prendre conscience, sans m'en souvenir. Les barrières amnésiques sont très fortes et mes parties à cette époque, pouvaient "switcher" d'un coup en se focalisant uniquement sur un infime détail et en ne voyant ou refusant inconsciemment de voir les indices pouvant les aider à comprendre que ma situation d'alors était différente de celle dans laquelle elles étaient bloquées. Je n'ai perçu à ce moment là que le harcèlement de mon violeur et cette partie qui a fait ce "switch" à ce moment là a réagit comme elle le pouvait avec les options et la réflexion qu'elle a eu à l'époque où j'ai cherché à fuir mon violeur dans le passé : la seule solution pour elle pour pouvoir leur échapper était de se tuer. Je me suis énormément interrogée sur cette tentative de suicide, j'en éprouvais beaucoup de colère (comment ai-je pu oublier mes filles?) et je n'arrivais pas à comprendre le fait que tout contredisait ce geste de désespoir (j'avais trouvé des solutions pour leur échapper, j'allais réussir !).
J'avais des parties qui faisaient du mal à des parties "petites" intérieurement en les faisant souffrir et en les menaçant de les tuer. Ces parties qui menaçaient pouvaient partager des ressentis de souffrance ou de douleur avec elles sans qu'elles comprennent ce qu'il se passait. Ou les parties "imitant l'agresseur" pouvait répéter des phrases que mes violeurs avaient dites et mes parties "petites" pensaient que notre violeur était toujours là à nous menacer. Et enfin, en envoyant des images de souvenirs, des bribes telles que le souvenir des chiens qui me pourchassent pouvaient les effrayer. Certaines de mes parties souffraient intérieurement tandis que d'autres non. Chacune de mes parties était isolée et se croyait seule dans ma tête, seule dans mon corps, seule à porter sa propre souffrance différente de celle des autres parties...
Certaines parties ont du mal à comprendre qu'elles ne sont pas physiquement telles que ce qu'elles croient. Elles ont le sentiment d'avoir encore 2 ans ou 4 ans... Une de mes parties, la "petite des cages", est "restée bloquée" à l'âge de 2-3 ans. Lorsqu'elle venait pour me parler ou parler à ma thérapeute, elle pleurait beaucoup (comme pleurent les tout petits enfants, en faisant une moue avec le bas de la bouche), elle suçait son pouce pour se consoler (je me mettais à sucer mon pouce et je me recroquevillais sur moi-même), elle ne parlait pratiquement pas et avait besoin de peluches pour montrer ce qu'on lui avait fait. D'autres parties n'ont pas conscience d'être devenue maman (j'ai 2 filles), pour elles, mes filles sont des étrangères et elles ont mis beaucoup de temps à accepter ce fait, elles répétaient à ma thérapeute que ces enfants n'étaient pas les leurs, que c'était impossible car elles étaient trop jeunes ! Des parties très petites sont venues récemment pour la première fois rencontrer ma thérapeute, mon corps me semblait disproportionné, immense, j'en avais le tournis...
Certaines parties pensent qu'elles peuvent tuer ou être tuée par d'autres parties. Et certaines pensent que l'intégration signifie leurs "morts", leurs "disparitions" et refusent d'être tuées. Pendant longtemps j'étais persuadée que l'intégration signifiait la "mort" des parties.
J'ai eu différents stades de prises de conscience du fait que j'avais grandis et que j'étais une adulte. En premier pour mes "parties petites", cela a été de venir et s'apercevoir que mon corps est gigantesque, puis de me regarder dans mon miroir et de voir ce visage inconnu et ce corps de femme adulte (lorsque je me regarde, je ne me reconnais pas parfois et voir que j'ai des seins et une pilosité au sexe me fait éclater de rire). Je pensais il y a peu que toutes mes parties avaient intégré que nous étions toutes dans ce corps d'adulte et j'ai demandé à ma thérapeute de me donner quelques extraits vidéos de nos séances que je puisse montrer à mes amis ou ma famille pour expliquer mon TDI (chaque séance est filmée). Me voir a été un véritable choc !! La plus part de mes parties petites m'ont montré à quoi elles ressemblent. Il y a plus d'un an, j'ai réalisé une frise chez moi pour m'aider à prendre conscience de mon parcours de vie, pour m'aider à remettre les souvenirs dans un ordre chronologique. Plusieurs de mes parties petites, en voyant leur photo m'ont dit "c'est moi là, je suis là, tu me vois?". Je gardais donc en tête lorsque l'une d'elles s'exprimait le visage montré sur cette photo. Mais lorsque je me suis regardée dans les vidéos, sachant quelle partie était en train de s'exprimer, je m'attendais à voir le visage de cette photo apparaître sur mon propre visage. J'ai mis plusieurs jours à m'en remettre, j'entendais beaucoup de pleurs, mes parties petites réalisaient qu'elles n'étaient plus petites...
J'ajoute ici une petite parenthèse. Le fait de faire une frise de mon histoire m'a beaucoup aidée à un stade de ma thérapie. Au début, la coopération interne n'est pas effective, on a l'impression de vivre dans un brouillard permanent, de ne pas être vraiment dans le présent. Lorsque le partage de souvenir des traumatismes commence, on perd la notion de "ici et maintenant" et "là-bas et avant". Faire cette frise était une obsession. Je devais replacer chaque photo dans le temps, raccrocher chaque bribe de souvenir qui revenait à une date, un mois et un lieu. J'en avais besoin, c'était devenu un besoin vital, un moyen pour moi de me raccrocher au présent et de mettre du sens à tout cela. Un moyen de ne pas avoir l'impression d'avoir explosé en mille morceaux en comprenant que j'étais dissociée, un moyen de garder un sorte de contrôle sur ce qui se passait, y mettre de la logique et du rationnel. Ce besoin a disparu d'un coup quelques mois plus tard. Maintenant j'arrive mieux à me souvenir de mon passé et tout me semble moins en fouillis dans ma tête.
Cette prise de conscience progressive est nécessaire pour tendre vers l'intégration. Depuis quelques temps, je sens intérieurement que certaines de mes parties petites "grandissent". Leur manière de parler se modifie, leur vocabulaire s'élargit, elles acquièrent d'autres compétences plus adaptées et elles s'intègrent mieux au reste de mes parties plus âgées. Elles sont moins dans les pleurs et expriment sous forme de pensées beaucoup plus leurs vécus et leurs attentes. Elles sont devenues des aides et ne sont plus des "pleurnicheuses". J'utilise le terme "pleurnicheuses" qui est peu flatteur mais reflète bien mon état d'esprit à l'époque, j'entendais, j'ai entendu toute ma vie des gamins pleurer dans ma tête, à longueur de journée. Je faisais tout pour y échapper, faire comme si je ne les entendais pas... Je détestais ces sales gosses qui me pourrissaient la vie. J'ai fini par comprendre que c'était des parties de moi qui avaient gardé le souvenir de choses atroces que l'on m'avait faites, qu'elles avaient beaucoup souffert et que c'était pour cela qu'elles pleuraient. A présent je les console intérieurement et je les écoute.
Réaliser que les personnes extérieures ne sont pas dans mon corps, ne sont pas des parties :
Pour beaucoup de mes parties, je devais trouver un moyen de montrer ce que j'avais vécu, le dire ne suffisait pas. Elles avaient l'impression que sinon je ne serais pas crue et que les gens à qui je parlais ne pourraient pas comprendre l'étendue de leur souffrance, ils ne mesureraient pas comme j'avais souffert. Elles voulaient trouver un moyen, une technique pour faire entrer la personne dans mon esprit pour qu'il puisse vivre et sentir dans mon corps les viols, pour que lui-même soit "violé en même temps que moi" et qu'ainsi il comprenne vraiment ce que cela faisait de l'être. Ces parties pensent que c'est là la seule façon pour que l'on me croit, pour convaincre. Trouver le moyen de faire un film avec les images, les sensations, les odeurs, les ressentis...que je puisse montrer et faire ressentir dans les moindres détails tel que moi je les ressens.
Pour d'autres parties, ma psychologue était perçue comme faisant partie de mon système interne. Elles croyaient que ma thérapeute était à l'intérieur de mon cerveau puisqu'elle comprenait tout ou beaucoup de choses sans même que nous ayons besoin de les lui dire ou lui expliquer. Elles n'étaient pas conscientes que mon corps, ma posture pouvaient dire des choses et que ma psy a de l'expérience ! En regardant ces vidéos j'ai vu aussi qu'il y avait d'énormes et très long moments de silences alors que pour moi intérieurement c'était tout le contraire ! Je voyais, je constatait la différence entre mon monde intérieur et le monde extérieur... Ces moments de silences correspondent à des moments où au contraire moi j'entends pleins de bruits ! Toutes mes parties s'expriment, j'entends pleins de voix différentes, d'avis différents... et sur ces vidéos : silence radio ! Le contraste était très étrange pour moi !
Réaliser qu'on doit s'entendre et se mettre d'accord pour fonctionner :
Mes parties "contrôles" et d'autres parties ont aidé à mettre en place une "démocratie" à l'intérieure. Je ne m'étendrais pas là-dessus puisque je l'ai déjà expliqué dans un autre texte de ce site.
Les livres "Gérer la dissociation d'origine traumatique" et "Traiter la dissociation d'origine traumatique" de Steele, Boon et Van Der Hart donnent des exemples très concrets pour faire que les parties se sentent en sécurité et coopèrent intérieurement. Je n'en ai pas parlé sur ce site car j'éprouve un énorme blocage à ce propos. D'une part parce que certaines de mes parties trouvent cela ridicule et enfantin voir carrément débile... Elles tolèrent que des parties consolent intérieurement les parties petites mais refusent de se promener avec un kit pour dormir ou d'imaginer un "collier d'expériences positives", "un étang" ou "un magasin"... De plus j'éprouve une répulsion et une énorme résistance dès que l'on essaie de me "diriger" ou de "diriger" mes avancées intérieures. Ayant subi de la manipulation, j'ai des parties dédiées à combattre toutes formes de directives dans ma pensée et mes actions. Je dois toujours trouver ma propre façon de faire et tester plusieurs alternatives par moi-même avant de décider ce que je dois mettre en place. Ma psychologue est formée à l'EMDR, jusqu'à maintenant, nous ne faisons que dialoguer lors de nos séances. Je bloque inconsciemment dès qu'elle me fait de l'EMDR et lorsqu'elle a essayé, cela n'a pas été concluant. Enfin, l'imagination est fortement ancrée en moi comme quelque chose de dangereux (bien que j'ai beaucoup de parties qui sont "des rêveuses") liée à la notion de religion. Pour être croyant, il faut imaginer qu'un Dieu existe, que des anges existent, que la vierge Marie veille sur nous... L'imagination est donc dangereuse. Dans la secte, des choses comme se soigner avec les "gouttes du docteur bach" ont été utilisées pour me manipuler, on m'a menacé avec des histoires religieuses (les 3 bergers de Fatima) pour me faire peur (j'allais plonger dans les flammes de l'enfer, l'enfer allait s'ouvrir sous mes pieds...). Toutes les "méthodes alternatives", sophrologie, méditation et autres sont mises dans le même sac pour moi...
Je sais que j'ai mis en place intérieurement des techniques pour favoriser l'échange et la compréhension mais je ne sais pas lesquelles pour l'instant. Au travail, au début seul 3 ou 4 parties étaient présentes, je pouvais être une sexy, une intello, une papier, le mec ou la douce. Rien d'autre. Mes compétences se cantonnaient à ce que ces parties savaient faire. A présent je suis beaucoup plus "flexible", je peux plaisanter au boulot, chanter, être attentive aux autres mais savoir mettre des limites également... Je suis beaucoup mieux à présent. De la même façon, ma manière d'être mère était très rigide. J'étais "une mère parfaite". Quand mes filles étaient présente j'étais uniquement tournée sur leurs besoins et comment y répondre. J'étais très douce, à l'écoute, valorisante, encourageante... un model un peu "faux" et impossible à atteindre pour mes enfants... A présent, beaucoup plus de parties interagissent avec mes filles. Je prends aussi du temps pour moi lorsqu'elles sont là, je suis à l'écoute mais je peux aussi leur dire que ce n'est pas le moment là que je suis occupée... Je suis devenue un modèle de maman plus accessible, plus réaliste.
Lorsque j'ai commencé à procéder ainsi, à multiplier les parties présentes dans mon quotidien, j'ai eu une longue période d'insatisfaction. J'avais toujours vécu avec une partie se succédant à une autre. La partie présente assouvissant ses besoins et ses actions décidées. A présent je dois composer beaucoup plus avec les envies différentes et les actions voulues d'un groupe de parties et forcement il y a des désaccords ou je laisse du temps un peu à chacune du coup certaines choses ne se terminent pas tout de suite ou ne se font pas exactement comme elles l'auraient voulu. J'étais avant beaucoup dans l'obsession d'une tâche jusqu'à ce qu'elle soit terminée. Je ressentais alors un intense sentiment de satisfaction personnelle et de devoir accomplis. Je me sentais brièvement mais de façon très intense heureuse et comblée. Ne plus vivre de façon si intense cette satisfaction a été très douloureux pour moi. Cela a été un deuil que j'ai eu à faire. A présent j'y vois du positif, j'en éprouve une satisfaction différente, la cohésion de groupe, ne plus me sentir seule, ne plus lutter, ne plus ressentir de colère ou de honte ou de la tristesse juste après... Je sens que je deviens une personne plus équilibrée, plus authentique aussi, plus humaine...
Le partage comment cela se fait ?
"Les survivants n'ont pas eu seulement besoin de survivre pour pouvoir raconter leur histoire ; ils ont aussi eu besoin de raconter leur histoire pour survivre. Dans chaque survivant, il y a un besoin impérieux de raconter et donc d'apprendre à connaître son histoire, sans être affecté par les fantômes du passé, contre lesquels il faut se protéger". Dori Laub (1991, p.78 )
"La phase 2 se concentre principalement sur le traitement des souvenirs traumatiques, c'est-à-dire l'intégration de ces souvenirs dans des récits autobiographiques qui ne sont plus revécus comme des expériences présentes mais plutôt comme des chapitres de la propre autobiographie du patient." (Janet, 1928)
"Les souvenirs traumatiques contiennent des noyaux pathogènes, c'est-à-dire des expériences, des émotions, des sensations ou des croyances qui furent les plus accablantes. Il faut que le patient y ait accès, en prenne conscience et les intègre pour que le traitement des souvenirs traumatiques soit efficace." Traiter la dissociation d'origine traumatique Steele, Boon et Van Der Hart (p.493)
Voici ma grande question et ma grande peur du moment. J'en suis là ce point en thérapie...
Du partage a eu lieu bien sûr depuis 3 ans ! Je sais de manière assez chronologique et générale ce que j'ai vécu. Le partage a eu lieu d'abord avec une explication dans ma tête. J'entendais un fait : "telle personne t'a fait ça", "ça c'est passé comme ça". Et un partage partiel avait lieu pour convaincre les parties récalcitrantes à accepter et entendre ce que j'avais vécu en le ressentant de manière certaine et atroce dans tout mon corps. J'étais forcée à savoir et je ne pouvais plus en douter.
Je "sais" donc en permanence que j'ai été violée et que j'ai beaucoup souffert mais les détails s'estompent et ces faits prennent une sorte de distanciation la plupart du temps car je refuse encore d'y faire pleine face.
Je me pose beaucoup de questions, là encore j'aimerais échanger avec une personne étant passée par là... Est-ce qu'on souffre beaucoup ? Est-ce que ça fait mal même après ? Est-ce qu'on s'en souvient tout le temps ? Comment on fait pour vivre avec ? Est-ce qu'on peut-être heureux ? Est-ce qu'on ne se suicide pas après ? Est-ce qu'on arrive à voir du beau et du bien après ? Comment on fait pour ne pas pleurer et hurler tout le temps après ? Est-ce qu'on arrive encore à rire ? Est-ce que la colère et la rage n'explosent pas après ? Comment on fait pour ne pas hurler sur tout le monde et ne pas les frapper tellement tout cela a été injuste ? Comment on fait pour ne pas les faire payer ? Comment on fait pour vivre quand on sait tout : le goût de leur sperme, leurs odeurs, leurs râles, leurs soupirs, leurs visages de monstre ?...
Au début, il y a 3 ans, le partage était surtout sensoriel. C'était comme un énorme tsunami qui m'engloutissait et me terrassait. il s'accompagnait de douleurs intenses, de ressentis émotionnels incontrôlables. Et ils survenaient à n'importe quel moment sans que je puisse les en empêcher ou les stopper. A présent, lorsqu'un partage a lieu, il se fait plus en douceur, je comprends qu'une partie souhaite me dire quelque chose, qu'elle souffre et a besoin de me faire comprendre un point important de ma vie. Je sais que ce partage a un début et aura une fin. Je laisse cette vague de souvenir venir à moi et j'arrive à garder un peu la notion que je suis en sécurité à présent et que cela fait partie de mon passé.
Je ne sais pas non plus quand ni comment faire ce partage. Le faire seule chez moi avec le risque d'être seule et n'avoir aucun soutien si c'est "trop", le faire en présence de ma psy avec la honte et le risque qu'elle puisse me voir dans une telle vulnérabilité... J'ai peur d'être seule et je ne veux pas que quelqu'un me voit en train de vivre cela... C'est tellement dégoûtant, tellement abjecte... J'ai encore tellement honte, je me sens encore tellement sale... Les détails, j'ai peur des détails... J'ai peur qu'ils me hantent jusqu'à la fin de mes jours...
J'ai aussi certaines parties qui se méfient de ma mémoire (avec toutes ces amnésies c'est normal !) et ont du mal à comprendre comment doit fonctionner la mémoire en temps normal. Je n'arrive pas à comprendre comment les gens se souviennent de leur passé, de quoi exactement ils se souviennent... Est-ce que le partage fera que je perdrai des données, des détails ? Les gens normaux ne se souviennent pas de tout, ils oublient... Est ce que du coup je perdrai des informations si je partage entièrement ? Est-ce que je serais encore capable d'aller voir la police et répondre à leur questions ou est-ce que j'aurai oublié des choses et j'en serai incapable ? Et j'ai bien compris que la mémoire des traumatismes ne se stocke pas au même endroit dans le cerveau que les souvenirs autobiographiques, qu'elle est "exceptionnelle" de détails et de précisions. Du coup la transformer en autobiographie ne la fera-t-elle pas se modifier ?
Selon ma psychologue on peut partager :
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En demandant qui veut partager et qui veut recevoir l'information parmi les parties. Celles-ci se mettent d'accord sur une quantité et une intensité donnée (par exemple 1%). Plus il y a de "participants" plus la souffrance est "diluée" donc plus supportable. Dès que les parties qui reçoivent disent stop, le partage est interrompu.
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Imaginer une salle dans laquelle le partage a lieu ou faire se toucher nos deux index et imaginer que le partage se diffuse ainsi par l'extrémité de nos doigts.
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Le partage peut-être aussi positif : partager des compétences acquises (savoir conduire un tracteur...).
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On peut fusionner de façon temporaire pour réaliser une tâche dans le présent par exemple.
Je pense que le plus important est de demander à chaque partie ce qu'elle souhaite faire, la laisser avancer à son rythme, partager son fardeau quand elle le souhaite. Retrouver ainsi son intégrité, de la prise sur notre vie et nos actions... Nous avons été seules très très longtemps ! Laissez nous décider si nous voulons rester "plusieurs" toute notre vie et donc ne plus jamais être seules ou si nous souhaitons ne former plus qu'une...