L'excitation sexuelle non concordante
Pour les victimes de viols, une autre chose très douloureuse est l'excitation sexuelle involontaire.
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Certains violeurs prennent un plaisir sadique à stimuler leurs victimes jusqu'à obtenir une réponse corporelle de leur part. Cela renforce leur pouvoir sur l'enfant victime et introduit de façon durable dans son cerveau un ressenti de culpabilité (mon corps a dit "oui") et renforce le sentiment de honte des victimes. Cela verrouille ainsi leur parole, car l'enfant a l'impression d'avoir accepté ce qui lui est arrivé, cela se mélange avec les phrases assassines du violeur qui lui dit qu'il l'a cherché, voulu. Dans la tête de l'enfant, tout se mélange et il en vient à se demander si son comportement avant le viol n'était pas aguicheur, la réponse automatique de son corps mélangée aux phrases du violeur "tu aimes ça", "ça t'excite", renforce sa dissociation et son incompréhension. Il est envahit par la terreur, la peur, le désespoir, la peur de mourir, la douleur physique et psychique de la trahison et en même temps son corps envoie d'autres signaux qui sont qualifiés de "plaisir" et "encouragement" par le violeur. Des ressentis incompatibles, incompréhensibles !
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De plus, l'enfant n'a aucune représentation ni idée de ce qu'est un acte sexuel, il ne comprend pas ce qu'il vit dans sa chaire puisqu'il n'y connaît rien ! Il prend donc pour acquis tout ce que lui dit le violeur.
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Il est primordial que vous sachiez que notre corps peut avoir des réponses automatiques en dépit de ce que veut ou pense notre cerveau. C'est connu pour les hommes, ils peuvent bander même si leur cerveau leur dit "ce n'est pas le moment" (à la piscine par exemple), ils peuvent avoir des "pannes" même si leur partenaire sexuelle les attire ou qu'ils sont amoureux...
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Notre corps agit et réagit pour notre sauvegarde, il est donc fréquent lors d'un viol, que notre corps se lubrifie de manière automatique afin de protéger nos tissus vaginaux ou anneaux pour que nous ayons moins de déchirures et de blessures.
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Notre corps peut aussi de manière automatique avoir des spasmes ou secousses. Je ne qualifierais pas cela d'orgasme comme on l'entend lors d'une relation sexuelle consentie ! Mais notre corps peut par ce relâchement faire diminuer la tension, évacuer le stress général par ce biais et permettre ainsi au cerveau et neurotransmetteurs de ne pas surchauffer.
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Les victimes de viols sentent le plaisir pervers de leur violeur. Par instinct de survie, notre corps va lui "donner" ce qu'il attend.
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J'ai appris instinctivement à être très "démonstrative". Je suis une "femme fontaine", en gros lorsqu'on me stimule trop, j'ai une sorte "d'éjaculation" du vagin. Cela n'est pas source de plaisir pour moi, c'est un moyen que mon corps a trouvé pour montrer à mes violeurs qu'ils étaient arrivés à leur fin et pour que les viols cessent plus rapidement et j'ai vu et appris que plus je suis démonstrative, plus cela excite le violeur et plus rapidement il "termine".
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Cette excitation sexuelle involontaire est source d'une grande souffrance chez moi. Comment comprendre que c'est une réaction de survie sans porter le poids de la culpabilité, l'impression que notre corps nous a trahi et que d'une certaine façon nous avons dit "oui". Et le violeur sait très bien jouer sur ce tableau, nous répétant inlassablement que nous aimons ça, que nous avons provoqué son passage à l'acte, que c'est notre faute...
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Certaines de mes parties contiennent le rôle d'excitation sexuelle, d'autres gardent le souvenir des phrases répétées par mes violeurs, d'autres contiennent ma rage et mon impuissance... Il m'est très difficile d'avoir une activité sexuelle avec un partenaire car toute activité sexuelle est un déclencheur pour nombre de mes parties.
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Je switch donc de manière automatique en étant en léthargie complète, je ne bouge plus, je suis une planche de bois, je respire très peu, j'attends envahie par la peur et le désespoir, les yeux fermés. Puis selon comment réagit mon partenaire, s'il se met en colère et me reproche cette tétanie, une autre partie prend le relais, une partie hyper sexualisée qui va essayer de faire qu'il s'excite le plus vite possible pour que cela s'arrête.
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C'est aussi là que le rôle des hommes entre en jeu. J'ai eu quelques partenaires sexuels, pas énormément, ils se comptent sur les doigts d'une main, mais aucun d'eux ne s'est jamais arrêté pour me demander pourquoi j'agissais ainsi. C'est comme si mon corps en se mettant en léthargie attendait, espérait enfin que quelqu'un dise "qu'est-ce que tu as vécu?".
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J'ai vécu mes relations sexuelles comme des viols, pratiquement à chaque fois. Mais en est-ce vraiment?
Je "rejoue" inlassablement des scènes de mon passé, de manière involontaire. Aucun homme ne l'a compris et ne m'a aidée. J'ai dû toute seule comprendre mes agissements, apprendre à cesser de ressentir de la honte et de la culpabilité et reprendre le contrôle de mon corps petit à petit.
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Il m'est arrivé de "rejouer" avec mes partenaires des scènes ou j'étais attachée ou étranglée. J'étais alors assaillie par pleins de sentiments contradictoires. Une sorte de soulagement de m'y adonner, une terreur et une panique immense tout à coup en le faisant, de la colère et de la culpabilité de l'avoir fait et laissé faire... Je ne me comprenais pas, je m'en voulais énormément ! Des phrases comme "tu es une pute, salope, pourriture, garce, tu ne mérites que de mourir" tournaient en boucle dans ma tête.
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Quand je vois que des films comme "cinquante nuances de grey" sont plébiscités cela me met en colère. Quand des stéréotypes comme "les femmes sont excitées d'être attachée, dominées, violées" ressortent dans les médias ou autres, cela me met en rage !
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Je lutte tellement au quotidien, envahie et sans pouvoir contrôler mes remises en scène des moments les plus atroces que j'ai vécu (qui sont en fait des appels à l'aide !), ces stéréotypes ne m'aident pas, bien au contraire ils m'enfoncent dans ma solitude, ma culpabilité, ma colère, la non reconnaissance de ma souffrance, l'injonction au silence par l'indifférence de mon partenaire... Je ne suis pas excitée par tout ça ! Je n'y prends pas de plaisir ! Bien au contraire j'en souffre énormément.
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On m'a volé mon droit à une vie sexuelle épanouie, je ne peux pas faire l'amour sans qu'une partie portant mes traumatismes ne re-surgisse et ne me replonge dans des souvenirs et des sensations incontrôlables. Violer un enfant est un acte immonde ! Jusqu'à il y a peu, je me détestais, après chaque acte sexuel, je ne souhaitais qu'une chose mourir ou me faire du mal pour me punir. Est-ce donc là ce que l'on doit ressentir habituellement après avoir fait l'amour?
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Dans la rubrique "ressources, pour s'en sortir" de ce site vous pouvez visionner cette vidéo qui explique très bien ce phénomène de l'excitation sexuelle non concordante :
Emily Nagoski, sexologue, "The Truth about unwanted arousal".
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Cette notion n'est peu ou pas abordée dans les ouvrages sur "traiter la dissociation d'origine traumatique" et "gérer la dissociation d'origine traumatique". Je pense que c'est un oubli grave des auteurs. La culpabilité des victimes et la méconnaissance et l'incompréhension des réactions biologiques de notre corps est un aspect majeur à aborder et comprendre !
Le savoir nous aide à nous "pardonner" intérieurement, mieux nous comprendre, mieux comprendre ce qu'on a vécu...
Le livre de la Docteur Muriel Salmona "Le livre noir des violences sexuelles" l'explique très bien et m'a fait beaucoup de bien lorsque je l'ai lu et compris. Je vous invite donc à le lire !
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Un article en français avec l'interview de l'endocrinologue Violaine Guérin :
Ainsi que son livre
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