Faire face aux déclencheurs
Citations du livre "Gérer les souvenirs d'origine traumatique" (Boon, Steele & Van der Hart, 2014) :
"Les personnes ayant un trouble dissociatif complexe ne sont en général émotionnellement pas très stables, parce qu'elles souffrent souvent de reviviscences d'événements traumatiques, appelés également flash-back ou réactivations de souvenirs traumatiques.
Dans de nombreux cas, les souvenirs traumatiques sont réactivés par un "stimulus" ("déclencheur") dans le présent qui s'apparente à un aspect particulier de l'événement traumatique initial. Provocant dans toute son intensité la remontée à la surface du souvenir de cet événement."
"Les personnes naissent avec une tendance naturelle à intégrer les expériences dans une histoire de vie cohérente. Cela signifie que nous pouvons nous souvenir d'événements importants que nous avons vécus dans le passé et que nous sommes capables de distinguer ce passé du présent.
Cependant il n'en est pas de même avec les souvenirs traumatiques. Ce ne sont, en somme, pas des souvenirs, mais des reviviscences. Le souvenir traumatique est vécu comme si l'événement antérieur se produisait ici et maintenant."
Un déclencheur peut-être :
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Lié au temps ou au lieu : une situation dans le présent (une date particulière, un âge particulier de nos enfants, une maison, une ville...)
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Relationnel (une personne, une interaction sociale, des paroles…)
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Sensoriel : une perception (couleur, odeur), un objet
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Interne : une expérience intérieure (un sentiment particulier ou une posture)
"Des parties de votre personnalité réagissent automatiquement. Leurs réactions sont rapides, fixes et souvent inconscientes - des réflexes sur lesquels vous n'avez pas de prise et qui semblent parfois se produire à l'extérieur de vous.
Il est bien d'apprendre à reconnaître vos déclencheurs et de devenir conscient de vos réactions. Ensuite, vous changerez progressivement ces réactions conditionnées.
Si vous ne comprenez et n'acceptez pas les vécus intérieurs, ils demeurent imprévisibles et vous ne contrôlerez que peu ou pas du tout vos réactions à ces vécus.
On ne peut changer quelque chose que l'on évite."
Comment les gérer ?
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Supprimer ou éviter (films ou livres)
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Anticiper (imaginer, discuter)
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Comprendre qu'il y a différentes options
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Distinguer présent et passé
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Collaborer et se soutenir
Le maître mot est modifier notre expérience en déclencheurs d'expériences positives, en discutant et collaborant intérieurement, en expérimentant d'autres vécus où le "final" sera différent. Nous pourrons ainsi avoir différentes options de réactions qui s'offre à nous et nos actions ne seront plus conditionnées, nous aurons accès à une réflexion, un recul, une analyse de la situation beaucoup plus adaptée à la situation présente !
C'est là que notre entourage joue un grand rôle !
J'ai beaucoup de déclencheurs.
Déclencheurs liés au temps :
J'ai par exemple eu un déclencheur lié à l'âge de mes enfants qui m'a rappelé l'âge que j'avais lorsque j'ai subi deux viols particulièrement atroces. Ce déclencheur a fait que je quitte mon ex-mari dans l'urgence, je n'ai rien compris, rien analysé... je savais juste une chose : je devais fuir avec mes filles, le plus rapidement possible et le plus loin possible. Il en allait de ma survie !
Les fêtes ou rassemblements sont un déclencheur pour moi car c'était les moments ou j'étais violée par le gourou de la secte dans laquelle j'ai grandi. Faire de la musique ou chanter, danser.. est un déclencheur car lors de ces fêtes, je devais le faire au sein de cette communauté et était un "privilège" accordé en récompense par mon violeur après ses viols.
Déclencheurs liés au lieu :
Sortir en forêt, aller à la plage, aller au cinéma, entrer dans une église… tous liés à des viols qui ont eu lieu dans ces endroits ou qui se sont déroulés juste avant ou juste après y être allé.
Déclencheurs relationnels :
Mes relations sociales, certaines phrases, la colère de quelqu'un… peuvent me faire "switcher".
Déclencheurs sensoriels :
Une personne qui me touche ou s'approche trop près, un regard, une expression faciale, certaines odeurs, la nourriture, l'odeur d'un mouchoir...
Déclencheurs internes :
Etre allongée dans une certaine position, me recroqueviller sur moi-même, être sous une douche et sentir l'eau qui coule sur moi, avoir mes règles et voir le sang qui coule entre mes jambes... Ressentir de la honte, de la colère, de la culpabilité… va réveiller en moi tous les moments ou j'ai pu ressentir ces sentiments.
Prendre conscience de ces déclencheurs est primordial pour pouvoir les modifier petit à petit et adapter nos réactions de façon plus adaptée à l'ici et maintenant. Mais pour cela, nous avons besoin du soutien de nos proches et de l'aide de la société et des professionnels en général !
D'abord parce que nous ne sommes pas toujours conscient de nos "switchs".
Ma sœur m'aide beaucoup à en prendre conscience et à élargir ma vision des choses lorsque j'ai "switché". Elle dialogue avec la partie de moi qui s'est réactivée, elle l'écoute avec bienveillance puis doucement, elle lui rappelle quelle est ma situation actuelle (je suis une adulte, j'ai des enfants, j'ai un appartement, un travail...). Elle m'aide à prendre du recul et à analyser la situation, à élargir ma vision tronquée... Elle m'aide lorsque mes parties ont des croyances erronées en me montrant les incohérences qu'elles ont avec ma situation dans l'ici et maintenant (mes bourreaux peuvent me tuer, je vais être punie...). Grâce à cela, je réussis à stopper la montée d'angoisse et de terreur et je retrouve mon calme.
Ensuite, avoir une situation dans l'ici et maintenant, dans notre vie actuelle, stable et en sécurité est primordiale ! Etre aidé financièrement contribue à notre sentiment de sécurité, avoir un travail ou l'on se sente bien, un logement sain et confortable, ne pas angoisser et s'inquiéter de notre fin du mois, de comment on va se nourrir, se loger... fait qu'on aura moins de réactivation, on aura également plus d'énergie pour nous soigner. Nous ne serons pas uniquement occupé dans notre survie et notre sécurité.
Un juge qui entend notre parole et nous protège contribue à modifier la croyance que personne n'est là pour nous, que nous sommes seuls à nous battre. Et au contraire la menace de perdre la garde de nos enfants est un déclencheur atroce ! Les services sociaux peuvent nous aider ou nous enfoncer encore un peu plus... Mais pour cela il faut que toute la société soit formée, et ait les moyens de nous aider à nous relever et nous reconstruire !
Plus nous ferons d'expériences positives qui nous montrerons que nous ne sommes pas seuls, que nous sommes soutenus et aidés, que nous ne sommes plus en danger, que les relations humaines et sociales peuvent être bénéfiques, mieux nous irons !
Alors aidez-nous ! Soyez présent à nos côtés !