Qu'est-ce que la dissociation ?
Explication N°4
Comme je vous l'ai expliqué, l'enfant victime pour survivre va cloisonner sa vie en plusieurs parties.
J'ai des parties en moi, beaucoup. Toutes ces parties sont des parts de moi ayant vécu des choses atroces. C'est comme si pour survivre aux maltraitances et aux viols que j'ai subi je m'étais partagé intérieurement la douleur, les ressentis, la connaissance des faits à fin de pouvoir rester debout, pouvoir sourire, pouvoir apprendre, pouvoir vivre...
Avant d'être diagnostiquée TDI, il y a 3 ans, ma vie n'était qu'une succession de switchs (le fait de changer de personnalité qui interagit avec le monde extérieur), de parties qui venaient tour à tour devant pour parler et interagir avec mon environnement. Je ne me comprenais pas, j'avais constamment peur, mal dans mon corps, dans mon ventre. Je prenais des décisions sans comprendre pourquoi, le moindre petit évènement m'amenait à avoir des ressentis et des réactions démultipliées. Je sombrais dans le désespoir, la terreur, l'angoisse en permanence.
J'avais beaucoup de moment où je ne me reconnaissais plus, des moments où je perdais mes compétences sans savoir et comprendre pourquoi. Je pouvais me retrouver au volant de ma voiture et me perdre soudainement sur un trajet que je faisais tous les jours, je pouvais me retrouver au boulot incapable de faire une simple addition ou soustraction comme si je ne savais plus compter. Face à la violence verbale de certaines personnes, je me figeais pendant de longues minutes incapable d'agir et de me protéger tandis qu'à d'autres moments j'étais capable de crier et de me défendre. Je ressentais très souvent une fatigue immense qui me faisait m'endormir d'un coup sans pouvoir lutter comme si j'avais pris un médicament très puissant. J'étais capable certains jours d'aller faire mes courses, de sortir dehors me promener et d'autres fois j'en étais incapable prise de panique ou écrasée par une fatigue immense sans véritable cause. J'étais capable de gérer mes papiers et certains jours j'en étais incapable je me retrouvais devant cette page à remplir, à devoir rentrer mes coordonnées et je ne savais plus écrire, je ne savais plus rien prise d'une terreur immense, je ne me rappelai plus mon nom, ma date de naissance, celle de mes filles, je ne savais plus mon adresse...
J'avais des trous dans ma mémoire, des périodes énormes de mon passé ou j'étais absolument incapable de me rappeler ou j'avais vécu et ce que j'avais vécu, pas un seul souvenir. Et par contre des évènements anodins, ou qui semblaient l'être qui revenaient en boucle et m'obsédaient.
Sexuellement j'étais toujours passive, je m'allongeais et comme morte, un poids mort je laissais faire jusqu'à ce qu'enfin cela soit fini, je ne réagissais que lorsque l'homme avec qui j'étais s'énervait, là, la panique et la terreur, la culpabilité m'envahissaient et je faisais ce qu'il voulait pour qu'il ne s'énerve plus. Puis je ressentais de la colère intérieur, de la culpabilité, j'étais très mal.
J'avais de long moments ou j'étais obsédé par certaines choses, certaines tâches, faire le ménage par exemple était quelque chose que je faisais systématiquement lorsque l'homme avec qui j'étais avait été en colère ou avait exprimé son mécontentement (même si je n'en étais pas la cause), je devenais alors conchita, une servante qui faisait tout pour le contenter jusqu'à ramper à ses pieds.
A certains moments j'étais capable d'être intelligente, d'apprendre, de passer des examens et à d'autres je n'avais plus ces compétences et connaissances, c'était comme si elles avaient disparu.. Avec certaines personnes je pouvais discuter durant de longues heures et avoir un discours construit et poussé, avec d'autres personnes j'étais incapable d'aligner trois mots, mon esprit était vide, je ne savais plus réfléchir et exprimer ma pensée… Je ressentais un yo-yo constant dans mes émotions intérieures, je me sentais forte, sûre de moi, intelligente puis la minute d'après j'étais une petite fille débile qui avait besoin qu'on la rassure et lui dise quoi faire. J'étais prise de terreur, puis de colère, puis j'avais un désespoir immense sans comprendre pourquoi je ressentais tout cela, quelle en était la cause.
Prendre une décision était très douloureux pour moi car mon esprit ne cessait de changer de point de vue, d'envie, d'objectif… j'étais incapable de savoir qui j'étais. Le simple fait de devoir choisir comment m'habiller était difficile. Le matin je pouvais mettre des habits sexis et une heure plus tard me sentir mal dans cette tenue et ne pas comprendre pourquoi et quand je l'ai mise et si ces habits m'appartiennent vraiment ni quand j'ai pu les acheter.
Certains jours, conduire un tracteur, un gros camion ou un charriot élévateur ne me pose aucun problème et à d'autres moments j'en suis incapable, tétanisée, paniquée, je ne reconnais plus les pédales et les commandes...
J'ai vécu des histoires avec des hommes, certains jours j'étais lucide, capable de comprendre et reconnaître que j'étais victime de violence et je décidais d'y mettre un terme, de me sauver et je faisais tout pour mettre en place ma sécurité et dès que je parvenais à le faire j'étais prise de panique et de terreur, je faisais d'énormes crises d'angoisses, dans ma tête j'entendais hurler "retourne avec lui, tout de suite!" et je m'exécutais incapable d'agir autrement comme si ma survie en dépendait. Certains jours je me souvenais au mot prêt de ce que cet homme m'avait dit ou fait et à d'autres moments je n'en avais plus aucun souvenir comme si cela n'avait jamais existé.
J'ai toujours su que quelque chose clochait chez moi, j'étais consciente d'une certaine façon de ces switchs incessants. J'étais consciente d'avoir beaucoup de pensées, d'objectifs différents, je pensais juste que j'étais quelqu'un de peu sûr de moi, de ne pas avoir vraiment de personnalité et cette croyance était renforcée par les paroles répétées inlassablement par le gourou de la secte dans laquelle j'ai grandis et sa femme qui me disaient depuis toute petite que j'avais besoin de leurs conseils, que eux-seuls pouvaient m'aider à prendre les décisions pour ma vie et choisir ce que je devais en faire. Depuis toute petite, le gourou lors de ces séances de "confession" avec moi me disait ce que je devais penser, aimer, quelles études je devais faire, ou était ma place… Tous les adultes avec qui j'avais grandis faisaient de même, le gourou et sa femme décidaient tout pour eux, ce qu'ils devaient faire de leur argent, ou vivre, quelles tâches accomplir, comment se soigner, quelles pensées étaient bonnes ou mauvaises, comment juger les autres, leur vision du monde et de la société… j'avais grandis avec ce modèle, pour moi c'était normal. Lorsque les adultes s'engageaient dans notre communauté, ils faisaient leurs vœux devant dieu et déposaient leur vie dans les mains des gourous, ils faisaient le vœu de leur obéir aveuglement et rompre ce vœu équivalait à rompre leur serment avec Dieu.
Depuis ma plus tendre enfance, j'avais des sentiments et des objectifs, volontés contradictoires vis à vis d'eux et de ce que je vivais mais on m'avait inculqué au plus profond de moi que critiquer, désobéir, réfléchir par soi même était l'œuvre du malin, du diable. J'éprouvais beaucoup de culpabilité, je croyais que j'étais mauvaise et plus je ressentais ces contradictions en moi plus je me sentais mal, plus j'étais prise de désespoir…
Un enfant pour se construire sainement a besoin de sécurité matérielle, de sécurité affective et de sécurité physique. Ses parents, sa famille, les adultes référents avec qui il interagit doivent lui apporter de l'amour, à manger, un environnement sain ou vivre (être au chaud, être en sécurité...), lui apprendre à avoir confiance en lui, à avoir de l'estime pour lui, le considérer comme une personne, un être à part entière, l'aider à construire sa pensée et son sens critique pour qu'une fois adulte, il soit à même de faire des choix, d'avoir une opinion, de se respecter et se faire respecter, de prendre soin de son corps et sa santé et qu'il sache être empathique envers les autres, ce qui lui permettra de lier des relations avec autrui, de travailler et d'avoir des relations sociales.
Tous ces critères ne m'ont pas été donné. J'ai bien sûr reçu de l'amour, j'ai noué des amitiés, j'ai été protégée à certains moments, j'ai été nourrie... si non je ne serais pas là aujourd'hui pour vous parler ! Mais cela n'a pas été constant. Beaucoup des personnes, adultes référents aux-quels j'ai eu à faire pouvaient être affectueux et bienveillants par moments et être également ceux qui me torturaient à d'autres moments. Il y avait de quoi devenir complétement folle !
C'est la raison de la formation de mon TDI. Comment n'importe quel esprit pourrait-il concevoir et comprendre que quelqu'un puisse vous dire "je t'aime, tu es ma fille adoptive" et vous attacher, vous droguer, vous vendre à des hommes, vous violer, vous battre...? Si cette même personne est celle qui détient le droit de vie et de mort sur vous et sur tous les autres adultes autour ? Si cette personne peut décider de vous envoyer vivre dans un pays en guerre ou dans un pays très pauvre, si cette personne décide et a la main mise sur votre argent, la nourriture que vous avez le droit de manger, les habits que vous portez, si il peut décider que vous devez quitter vos parents et avec qui vous devez vous marier sans que personne ne réagisse autour, que feriez-vous ? si cette personne est celle qui octroit les récompenses ou les punitions et peu faire de votre vie un véritable enfer, que feriez-vous ?
Je n'ai eu d'autres choix que de cloisonner ma vie et ce que je vivais, faire en sorte de ne pas savoir le pire de ce que je vivais, de fermer ma mémoire avec de grandes cloisons hermétiques en attendant de pouvoir êtres suffisamment en sécurité, de trouver des gens qui puissent enfin m'écouter et m'apporter de l'aide...
Tous les adultes autour de moi obéissaient tel des petits chiens au gourou, aucune aide extérieur des autorité n'étaient possible.
Si j'avais su en permanence ce que je vivais au quotidien, j'aurais pu par exemple en plein milieu d'un des enseignements du gourou me lever et dire qu'il venait de me violer. Personne ne m'aurait cru, ou soutenu, j'avais vu le traitement imposé à toutes personnes critiquants le gourou, ils étaient chassés de la communauté sans rien, leurs photos, leur existance disparaissaient , on n'avait plus le droit de prononcer leur nom. Je n'avais aucun endroit ou aller, j'étais une enfant. De plus j'avais grandis avec la peur et la haine de la société, une vision très critique et négative inculquée par tous dans la communauté. Ma famille, mes grands-parents étaient diabolisés, on ne les voyait pratiquement pas et ils étaient mauvais puisqu'ils n'adhéraient pas à notre mode de vie.
Je devais faire en sorte de survivre. Je devais être une petite fille parfaite, croyante, docile qui gobait tous les enseignements qu'on lui faisait, je devais être cette petite fille qui ne pleurait pas et "aimait être violée", je devais être cette petite fille aguicheuse qui souriait quand on la filmait nue et attachée, je devais être cette petite fille qui disait qu'elle resterait vierge jusqu'au mariage et serait une épouse et une mère parfaite parce que la religion interdit toute relations hors mariage...
J'ai donc grandis ainsi, ma vie, mon identité, ce que je vivais, qui j'étais, comment j'agissais s'adaptant à chaque situation sans rien savoir de ce que j'avais dit ou fait quelques minutes avant.
Si j'avais su, je serais morte. Je me serais donné la mort ou ils auraient trouvé le moyen de me faire taire ou de me tuer.