Il y a quelques temps, j'ai lu le livre "The Sum of my parts" de Olga Trujillo, une TDI comme moi. Dans son livre, elle raconte qu'elle a trouvé un psy qui l'a soutenue et aidée dans son chemin de reconstruction. Elle a eu un mari soutenant puis une compagne à présent qui lui apporte la sécurité affective dont elle a besoin. Et elle a eu également la chance de travailler dans un lieu où elle a pu dire qui elle était et avoir de l'aide si besoin lorsqu'elle se trouvait au travail. Et un cercle d'amis à qui elle a pu parler et faire comprendre ce qu'elle vivait et avait vécu.
Mes parties ont compris depuis longtemps que je dois trouver cela moi aussi. Et c'est ce que je recherche depuis longtemps.
Adolescente, j'ai cherché à fuir de la secte, une première fois en m'inscrivant à une organisation qui emmenaient des adolescents faire un tour du monde durant un an, puis en cherchant à fuir avec un autre jeune (cela a été découvert et stoppé).
Mon mariage a été arrangé avec le fils d'un de mes violeurs. J'étais pieds et poings liés. J'ai compris d'une certaine façon qu'il fallait que j'utilise le "système". La femme de mon violeur principal cherchait à acquérir une formation pour pouvoir l'utiliser ensuite dans la secte. Je me suis "servie" de cela pour obtenir un diplôme et un travail. J'ai passé mon permis. J'avais ainsi une certaine autonomie. Grâce à cette formation, j'ai pu être de temps en temps sans surveillance, je me suis fait des amis, un réseau d'entraide.
Faire en sorte d'être suffisamment autonome pour pouvoir survivre. J'ai tenu jusqu'à pouvoir enfin fuir.
J'ai ouvert un compte bancaire à mon nom, et quelques années plus tard j'ai acheté ma première voiture, et trouvé un lieu où je me sente en sécurité...
Et j'ai petit à petit modifié ma façon de raisonner et penser. J'ai appris à me détacher de la religion et ses diktats. J'ai appris à reconnaître lorsque des violences étaient exercées à mon encontre et petit à petit à m'en détacher et ne plus les subir.
J'ai appris ce qu'était la liberté. Liberté d'avoir des amis, liberté d'aller où je voulais, liberté dans mon emploi du temps, liberté de mes choix... Je l'apprends encore...
J'ai appris et j'apprends encore ce qu'est l'amour et l'amitié. L'importance d'un lien sain, la place de la liberté dans ce lien.
Je commence à comprendre ce qu'est un travail. Quels sont mes droits et mes devoirs et ceux de mon patron. Le fait que je ne suis pas une esclave et que si une personne m'aide et est bienveillante cela ne signifie pas que je doive lui être redevable à vie.
Et j'ai appris à vivre dans la société, à avoir une vie "normale".
Il m'a fallu 9 ans pour y parvenir et j'ai encore beaucoup de choses à apprendre !
Durant ces 9 années, j'ai cherché des gens capables de m'aider et me soutenir.
Cherché un professionnel qui m'aide à renouer le dialogue et comprendre mon fonctionnement. J'ai enchaîné les psys, les hurluberlus... Jusqu'à trouver ma psy actuelle.
J'ai cherché des amis capables de me comprendre et m'aider. Beaucoup de déceptions...
J'ai cherché à dire à ma famille ce qui m'était arrivé, ce qui s'était passé sous leur nez. Là aussi beaucoup de déceptions. Deux personnes de ma famille sont dans la justice et dans l'Eglise. Elles m'ont écouté mais cela s'arrête là. Seule ma sœur a fait l'effort de comprendre, de se documenter et m'aide au quotidien. Ma mère reste également ouverte et accepte d'écouter et essaye de comprendre. J'ai de la chance car peu de personnes traumatisées ont cela.
Pourtant c'est ce dont nous avons le plus besoin !
Avoir enfin un entourage et un environnement dans lequel nous nous sentions suffisamment en sécurité est LA condition pour réussir à surmonter et faire face à nos traumatismes.
Moi, je l'ai compris depuis longtemps. Nous devons faire des expériences, tester, chercher jusqu'à enfin trouver.
En tant que personne dissociée, notre survie dépend de plusieurs facteurs.
En tout premier, nous extraire de ce milieu mortifère dans lequel nous avons été élevés et nous mettre en sécurité. Puis trouver des personnes prêtes à nous écouter, enfin, nous croire et nous aider à construire autour de nous un environnement sécurisé.
Une fois que cela est fait, nous devons nous reconstruire.
Reconstruire et renaître.
Ces mots sont exactes. Nous renaissons en comprenant ce que nous sommes, ce par quoi nous sommes passés, et ce que nous avons dû faire pour survivre. Poser un diagnostic de dissociation ou de trouble dissociatif de l'identité permet de comprendre tout ce que nous vivions au quotidien, qui nous sommes.
Et reconstruire. Reconstruire notre vie, reconstruire nos schéma d'actions, reconstruire notre pensée, mettre des mots sur ce que nous avons vécus, remettre les faits à leur place. Reconstruire notre identité, notre estime de nous, nos droits, notre rapport à notre corps et modifier nos automatismes de survie et de sauvegarde...
Pour cela nous avons besoin d'expérimenter de nouveaux rapports humains, des fins différentes à nos expériences.
Certaines de mes parties ont été violées par un hypnothérapeute , maltraitées par des psychiatres. Il a fallu que je teste encore et encore jusqu'à trouver la professionnelle qui ne profiterait pas de ma dissociation. Trouver le moyen de faire confiance et ne pas dépendre. Ce lien je le teste constamment et ma psy le comprend et l'accepte. Elle m'a laissé la liberté de l'exprimer sans juger et condamner. Elle accepte les critiques, cherche avec moi comment maintenir ce lien sain. Encourage mes parties méfiantes et les remercie pour leur rôle primordiale dans mon système.
J'ai cherché des gens, un entourage aidant. Toute ma vie. Dans la secte, les gens étaient trop sous emprise, ils refusaient de voir, d'entendre, de se poser des questions. Ils avaient perdu toute capacité d'identité, de réflexion, de pensée... Puis lorsque j'ai fuis, les personnes dans la société n'étaient pas mieux. Mon histoire était tellement éloignée de leur réalité qu'elle était inconcevable, impensable... dire était à nouveau impossible, interdit.
Je me suis longtemps tournée et liée à des personnes que je sentais blessées, semblables à moi. Pensant inconsciemment que leurs blessures personnelles pourraient nous rapprocher et nous permettre de nous comprendre et nous entraider. Pratiquement toutes les personnes avec lesquelles je me suis liée ont vécu des formes de violences dans leur enfance. Ce que je ne comprenais pas c'est que la plupart de ces personnes avaient les mêmes modes de défenses et de protections que moi. Mon histoire réactivait la leur et nous étions pris dans un cercle de réactivation mutuelle, nous nous aidions et nous nous faisions du mal. Nous avions enfin la possibilité de parler et raconter nos souffrances mais en même temps entendre celles de l'autre réactivait nos propres blessures et nous étions en perpétuelles fuites ou reproduction des maltraitances que nous avions vécu. Nombre des amis que j'ai eu ont de la dissociation, certains d'entre eux ont, je pense, un TDI...
Aujourd'hui, je crois avoir enfin trouvé des personnes piliers.
Ma psy qui m'aide à me comprendre et à renouer le dialogue intérieur. Elle m'aide à faire face à tous mes traumatismes, à faire de nouveaux apprentissages, à me faire confiance, m'aimer, à voir toute la force qu'il y a en moi...
Ma sœur qui me soutient au quotidien et fait le lien avec mon passé, donne du poids et de la réalité à ce que j'ai vécu. Le fait qu'elle me croît et ne nie pas répare beaucoup de mes blessures.
Un lieu pour travailler où je suis en sécurité. La personne qui m'embauche connaît mon TDI et me soutient et m'aide à garder une stabilité dans mon travail et dans le présent.
Ces derniers jours, j'ai beaucoup perdu mes compétences de travail. J'en ai discuté avec mon patron, j'ai pu lui montrer à quel point je pouvais parfois être terrorisée, perdue. Ce "teste" qui a été fait (plusieurs jours de blocage où je ne me présentais à lui que comme une petite fille perdue et tétanisée, terrorisée) a permis à beaucoup de mes parties de se rassurer et se sentir en sécurité. Mon patron a compris comment je fonctionne, il sait me rassurer et m'aider à retrouver mes facultés et mes compétences. Le cadeau qu'il me fait est immense pour moi !
Lorsque l'on doit guérir de la dissociation, une chose extrêmement difficile est de permettre à nos parties "perdues dans le passé et dans les traumatismes" de venir expérimenter et vivre notre présent de l'ici et maintenant. Pour cela, il nous faut un entourage bienveillant qui comprenne et accepte cela ! Nous devons supprimer les murs entre nos fonctionnement, faire en sorte de coopérer et utiliser toutes nos compétences en même temps. Nous devons confronter nos croyances à notre vie d'aujourd'hui pour les réajuster et les modifier. Nous devons accepter de ressentir des choses contradictoires, confronter notre regard sur le monde et la société pour ne plus traiter les informations que nous en tirons en terme de "noir" ou " blanc".
Et cela ne peut pas se faire qu'en trouvant un entourage bienveillant et compréhensif. Des personnes à même de comprendre nos changements et de nous aider à avancer vers l'unification de nos modes de fonctionnements. Des personnes qui acceptent d'échanger, de voir et de discerner toutes nos parties dissociatives.
Le chemin vers la reconstruction passe par faire face aux souvenirs des traumatismes mais aussi et surtout par réapprendre qui nous sommes, qui nous voulons être, ce qui nous rendra heureux et épanoui... Etre dans le présent, se projeter dans l'avenir. Exister et être autonome sans être enchaînés à des traumatismes vécus dans notre passé qui nous dictent nos réactions.
Avoir un entourage qui comprenne le TDI, qui sache repérer quand je switche, qui comprenne que mes actions à un moment donné ne me définissent pas totalement, me permet de grandir, de mûrir et d'oser découvrir qui je suis et ce que je souhaite faire de cette nouvelle vie qui s'offre à moi. Mes parties peuvent ainsi venir et je peux enfin oser exprimer tout haut tous mes ressentis et toutes mes pensées. J'ai enfin le droit d'être "moi", un humain complexe qui ressent des choses, qui ressent la peine, la tristesse, le désespoir, la joie, le bonheur, l'amour, l'amitié, la paix, la rage, la colère, l'indignation, l'injustice, la culpabilité, l'indifférence... J'ai le droit d'être enfin tout cela à la fois je n'ai plus à être divisée et ne ressentir qu'une façon d'être à la fois. Cela me permet de voir le monde et de gérer sa brutalité différemment, d'être moins à fleur de peau, de prendre du recul. J'apprends à me protéger, à comprendre ce que je pense et ressens. Je suis de moins en moins fragmentée dans mon fonctionnement. J'ai moins peur aussi. Grâce à toutes ces expériences que je fais depuis ces dernières années, j'arrive à garder l'espoir, je sais que mon état est passager, je vois la lumière au bout du tunnel.
Que mon entourage comprenne la nécessité et l'importance que chaque partie vienne devant et partage l'ici et maintenant est primordiale ! C'est ce qui leur permet d'évoluer, de comprendre que l'ici et maintenant est désormais sécure et qu'elles ne sont plus en danger, de réaliser que certains de leurs schéma de pensée, certaines de leur croyance ne correspondent plus à la situation actuelle, de pouvoir dialoguer avec d'autres parties qui partagent leur point de vue différent et s'aident mutuellement à s'adapter à l'ici et maintenant.
Ma sœur m'a envoyé ce texte et je trouve son image très belle et très représentative :
"Dans ce que j'ai compris, le partage qui aide à avancer, je le vois comme si chaque partie venait à son tour devant déposer sa petite touche de couleur sur les murs de ton appartement / sur l'ici et maintenant, les parties petites sortent mettre des nuances de rose, les parties contrôle déposent des touches de bleu, chacune avec sa nuance, les parties colères déposent chacune une petite touche de rouge à chaque fois qu'elles viennent devant, les parties "couardes" déposent un peu de violet, les parties maman habillent le mur avec des nuances de jaunes et d'orange, d'autres déposent des touches de vert...
Et c'est l'ensemble de chacune d'entre elles, qui ont permis la survie dans le passé, qui va habiller l'ici et maintenant avec toutes les couleurs de la vie...
Pour qu'il y ait un équilibre, il faut que chaque partie ait sa place et permette aux autres de prendre la place devant. Sinon on voit la vie en rose, mais elle n'est pas toute rose... Ou alors on va voir la vie en noir mais elle n'est pas toute noir... C'est cet équilibre qui me semblait important à souligner..."
Aidez-nous à mettre un arc-en-ciel dans notre vie... Nous avons besoin que nos psys soient formés mais pas que ! Notre entourage, notre patron, nos collègues de travail, nos amis eux aussi doivent nous aider... Nous avons besoin que toutes les personnes qui nous côtoient nous comprennent et nous soutiennent !
Guérir du TDI ce n'est pas que accepter notre passé traumatique, c'est reconstruire notre "moi", notre identité cassée. C'est pour cette raison que c'est si difficile, si long et si complexe. En nous violant, ils n'ont pas que détruit et salit notre corps, ils ont détruit également chaque parcelle de notre identité.
Nous avons besoin de vous.
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