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  • Writer's pictureLeelah

16/01/2022 Noms des parties

Lors des thérapies que je suis et ai suivi, j'ai remarqué que mes psychiatres ou psychologues me posent ou m'ont souvent posé la question qui est là, qui parle lorsque mes parties dissociatives viennent et ne se cachent plus. Parfois même mes proches le font. Je comprends parfaitement ce besoin de pouvoir identifier par un nom qui s'adresse à eux.


Les professionnels auxquels j'ai eu à faire cherchent parfois à identifier mes parties dissociatives par "facilité" je pense. Il est plus facile de savoir que lorsque j'ai un discours très maternant, bienveillant, que je suis calme, c'est "Marie" qui est là et qui parle. Puis que lorsque je suis aguicheuse et provocatrice, que je fais des moues avec mes lèvres, que je lève le menton fièrement, c'est Enzo qui est présente. Que lorsque je suis terrorisée et que je parle des papiers qui me font peur c'est Jade qui est là... Ils peuvent alors les nommer et montrer qu'ils les reconnaissent et les identifient. A certains moments, se focaliser sur une seule partie dissociative et travailler en profondeur avec elle peut être bon. Ca je ne le remets pas en doute.


En début de thérapie, lorsque le patient comprend son trouble dissociatif et pour qu'il accepte son diagnostic, il peut être bon d'expliquer et d'aider le patient à mieux identifier et percevoir les changements en lui pour qu'il puisse mieux s'accepter et se comprendre. Il y a une grande étape très importante à faire pour se mettre à l'écoute intérieurement et amorcer un dialogue interne. Le patient doit comprendre les luttes internes, les différents points de vues qui se combattent. Il doit aussi faire tout un travail pour être bienveillant envers lui-même, accepter de prendre le temps et ne plus tenter de forcer des décisions, accepter que chaque partie dissociative évolue à son propre rythme indépendant des autres parties, accepter que c'est l'évolution de l'ensemble du système de partie qui permettra d'aller mieux, de diminuer la souffrance et d'améliorer le quotidien...


Mais, par la suite je pense que ce n'est plus nécessaire de se focaliser sur qui est qui et qui est là.


  • Savoir combien de parties dissociatives on a et toutes les nommer est effrayant.

Il y a un an à peu près, Jeni Haynes me fascinait. Le fait qu'elle ait pu savoir le nombre de ses parties dissociatives présentes, sa capacité à les identifier et nommer formellement... Je trouvais cela génial ! Durant quelques temps, j'ai voulu faire de même. Mais intérieurement, nous n'étions pas d'accord. Et au final, je n'ai pas continué dans cette voie. Personnellement, savoir combien nous sommes, savoir que nous sommes très nombreuses me fait très peur. Car cela rend mon travail de guérison vraiment trop long, trop difficile... Comment vais je réussir à réunir et faire s'entendre tant d'avis différents ? Comment pourrais je parvenir à unifier des dizaines, des centaines de parties dissociatives? Je vois cela comme une gigantesque foule qui hurle et se bat qu'il faudrait réussir à faire s'assoir autour d'une table et à ce que chacune de ces personnes en colère, indisciplinée accepte de coopérer... Si vous avez déjà travaillé dans une classe avec des élèves, vous devez avoir une petite idée de la tâche compliquée qui m'attend... Cela me paraît être insurmontable et au final, dénombrer mes parties dissociatives est contre productif pour moi car cela me plonge dans le désespoir et l'abattement, l'impuissance. Jamais je n'y arriverai...


De plus, cela rend encore plus réel et présent le nombre de traumatismes auxquels j'ai du survivre, l'ampleur des dégâts... Cela me rend très dépressive !!! J'ai du me "couper", me "diviser" tellement de fois... Comment pourrais je faire machine arrière? Je me sens impuissante !


  • Insister pour savoir est une forme de pression malsaine pour moi.

Au final, pouvoir nommer les parties dissociatives d'un patient relève plus d'un côté sensationnelle qu'autre chose... Quelque chose d'un peu malsain, une forme de voyeurisme en un sens... Le nom de mes parties dissociatives fait partie de mon intimité, quelque chose de secret entre moi et moi. Lorsqu'on me demande qui est là, c'est comme si on me demandait de montrer mes parties intimes d'une certaine façon, me mettre à nue... Et cela me met mal à l'aise. Je veux me sentir libre, et que chacune de mes parties se sente libre de dire qui elle est ou de le garder secret sans avoir de pression. Sans subir un interrogatoire à chaque instant de ma thérapie... Vouloir dénombrer et nommer formellement est du même acabit pour moi que les journaux à sensations qui cherchent un titre racoleur ou les films hollywoodiens qui dépeignent les personnes atteintes d'un trouble psychiatrique comme des tueurs en séries ou des psychopathes...

  • Nommer les parties dissociatives donne "un pouvoir" de contrôle sur nous.

C'est quelque chose qui m'effraie beaucoup. Dès qu'on me pose la question, je sens une vague de peur qui me traverse et un replis intérieur se faire. Je me sens en danger.

Pouvoir être "identifié", que la personne en face sache à qui elle s'adresse est source de beaucoup d'inquiétude pour moi. C'est comme si je donnais délibérément l'accès à mon cerveau, le moyen de me manipuler, le moyen de me faire du mal... Si mon interlocuteur sait comment nous nous nommons, il peut appeler une partie à venir, ce n'est plus nous qui "décidons" qui peut venir parler ou non. Et cela éveille ma suspicion et ma vigilance.


Durant toute mon enfance, j'ai tout fait pour cacher mon trouble dissociatif. Je l'ai déjà dit à maintes reprises mais le TDI est un camouflage, une technique de survie incroyablement sophistiquée pour survivre à l'horreur. Si mes violeurs avaient su qui étaient mes parties dissociatives, comment elles se nommaient, ils auraient pu beaucoup plus facilement me manipuler en appelant une partie dissociative très jeune par exemple et en provoquant un switch qui m'aurait rendue vulnérable !!!


  • Savoir le nom de l'une des parties dissociatives présente lors de l'échange ne signifie pas qu'on sait avec certitude qui et combien écoutent ou interagissent !

Personnellement, parfois je sais avec certitude quelle partie est présente, et parfois je n'ai aucune idée de qui est au premier plan et suis incapable de l'identifier formellement. Lorsque je switche, à certains moments je sens nettement qu'une partie "s'installe" au premier plan, je sens dans mes orbites un mouvement, comme si d'autres yeux venaient et remplaçaient les miens. Parfois, c'est simplement le ton de ma voix qui se modifie et je sais que c'est une autre qui vient parler, ma voix est plus dure, plus masculine ou au contraire très enfantine. Parfois je parle et mes mains tentent de me faire taire en m'étranglant le cou ou mes doigts s'enfoncent dans mes poignets ou je me donne des coups de poings dans les cuisses... une partie n'est pas d'accord avec ce que je suis en train de dire et exprime son désaccord avec mon corps... Parfois je parle et je raconte ce qu'on m'a fait mais les sentiments et émotions que j'exprime ne s'accordent pas avec mon discours... Parfois je parle, je pleure tout est adéquat dans mon corps et ma tête, tout s'accorde... Parfois, mon discours et mon corps réagissent et expriment la même chose et d'un coup je ressens autre chose et rien n'est plus accordé...


Tout cela pour dire simplement que l'important n'est pas de savoir qui est qui et qui est là. Car au final, vous ne le saurez pas avec certitude. Parfois j'ai des dialogues avec mes psychiatres et je pense qu'aucune autre partie n'est présente et tout d'un coup une partie vient et exprime son désaccord et son opposition avec ce qui vient d'être dit alors qu'avant je n'avais aucune conscience que cette partie était là à "écouter", je n'avais aucune pensées contradictoires, aucune objection, je n'avais aucune conscience qu'une autre opinion cohabitait en moi...


La vrai question à se poser je pense est quelle est la finalité de la thérapie pour soigner un trouble dissociatif de l'identité ?


Pour moi, en thérapie ce qui est important que mon ou ma thérapeute fasse est de créer un lien de confiance avec chaque partie, accepter et encourager le dialogue en direct avec chacune d'elles pour m'aider petit à petit à être plus à l'écoute de mes ressentis, mes pensées, mes objectifs et permettre petit à petit qu'elles aient un fonctionnement plus lisse et moins conflictuel.


Je pense qu'encourager le patient à formaliser, nommer, décrire son monde intérieur est un non sens. Je n'ai pas de lieu interne dans lequel mes parties dissociatives évoluent, je refuse de me plier à cela et construire comme parfois les psychiatres ou psychologues le préconisent un lieu sécure interne. Moi ce que je veux c'est un lieu sécure dans mon présent, un entourage bienveillant et compréhensif, un travail adapté, un lieu de vie dans lequel je me sente bien. C'est de cela dont j'ai besoin. Et à chaque fois où j'ai vu que j'allais mieux, que je me sentais mieux c'était parce que mon environnement me permettait d'avoir ces critères. C'est ce qui m'a permis d'évoluer, de me confronter à mon histoire et l'intégrer en partie, à avoir moins d'amnésies de mon présent et de mon passé. Grâce à cela, certaines de mes parties dissociatives ont modifié leurs façons d'agir et réagir, elles ont "grandi", se sont adaptées à la réalité de mon présent, se sont mises à moins se réactiver à certains déclencheurs traumatiques, ont été capable d'envisager l'avenir de façon positive, à avoir des rêves et des espoirs que nous étions incapable d'avoir par le passé car nous étions dans la survie et la sauvegarde au quotidien.


Ce qu'il faut c'est identifier et décortiquer les schémas de pensées, les croyances fausses ancrées et amener à un dialogue constructif pour comprendre les résonnements fallacieux, les peurs irraisonnées, intégrer le vécu passé. Pas identifier qui parle, quel âge il ou elle a.

Pourquoi insister pour donner une représentation mentale des parties dissociatives, donner un visuel à quelque chose qui n'a pas lieu d'être ?

Nous sommes des enfants blessés et meurtris mais nous sommes dans un corps d'adulte. Le but de la thérapie n'est pas forcément de savoir dans les moindres détails ce que le patient a vécu mais plutôt lui permettre d'avoir un quotidien dans lequel le patient se sent bien.


De plus, de manière générale, je trouve cela non constructif. La thérapie pour un trouble dissociatif de l'identité consiste à réduire le sentiment de scission, les barrières dissociatives entre parties, lisser les ressentis, les émotions, les croyances, les objectifs... Donc pourquoi insister pour renforcer cette scission en identifiant formellement en différentes parties dissociatives une personne qui n'a au final qu'un seul et même corps ?


Je pense que les noms n'ont pas vraiment d'importance, ni de savoir le nombre de parties dissociatives d'ailleurs ! Ce dont nous avons besoin c'est de compréhension, d'écoute, de prise en compte et de personnes qui sachent dialoguer avec nous et prendre en compte les différents points de vues qui combattent à l'intérieur de nous en nous aidant par un dialogue et un échange constructif à nous entendre et à collaborer intérieurement.


Certes cela me prouvent qu'ils nous voient et qu'ils ne passent pas à côté de mes switchs mais l'important n'est il pas d'aider chaque partie à se comprendre, s'écouter et adapter sa manière d'agir dans mon présent ? Qu'au final nous ne formions plus que une, que nous soyons d'accord sur nos prises de décisions, nos façons d'interpréter les choses, nos objectifs ?


Ce que je vois avec ma thérapie c'est que les avancées que je fais se font énormément en arrière plan, que souvent des parties "écoutent" en arrière plan puis s'expriment ou montrent leurs désaccords en dehors de la thérapie et que ni moi ni mon ou ma thérapeute ne savons avec certitude qui participe à l'échange, qui est présent ou combien nous sommes.


Les parties dissociatives s'adaptent pour survivre. Elles évoluent, changent... Je ne suis plus la même qu'il y a 1 an, 5 ans ou 10 ans !! Certaines de mes parties dissociatives petites ont "grandis". Elles ne sont plus "coincées" dans "l'âge" du traumatisme qu'elles ont vécu. Alors pourquoi persister à les mettre dans une boite d'un âge, d'un nom ? Pourquoi vouloir les "enfermer" et me forcer à les cantonner à mon histoire et mon vécu passé ?


Ce qui est important c'est les pensées, les croyances, les confusions entre passé et présent. C'est en dénouant tout cela que tout le fonctionnement se lisse. C'est le dialogue, l'échange, le partage du moment présent qui soigne et est aidant.


Je crois que ce qu'il faut garder en tête est qu'une personne avec un TDI n'a qu'un seul et même corps et que pour aller mieux, il faut intégrer cette notion indiscutable et l'accepter.



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