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29/04/2020 Les stratégies des contrôles

Dernière mise à jour : 5 août 2020



Je crois que je commence à comprendre pourquoi cela a explosé en moi depuis quelques semaines. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi.

Depuis de longs mois, mes parties et moi on tergiverse et on fuie, on se bagarre pour décider ou non si on va faire de l'intégration. Certaines veulent le faire mais sans ressentir de la souffrance (ce qui est impossible!), certaines veulent le faire "pour être débarrassée des chieuses qui chialent", d'autres pour avoir du mieux-être mais sans qu'elles-mêmes aient à divulguer ce qu'elles ont vécu, et d'autres refusent "parce que ça ne sert à rien, parce que c'est dangereux, parce que elles n'en ont rien à foutre des autres parties et que ce n'est pas elles, parce qu'on va en crever, parce que partager c'est la mort"...

Avant le confinement, les parties qui étaient présentes (je veux dire par là, celles qui ont accepté de se montrer à ma psy et d'échanger avec elle, celles qui essayent que nous dialoguions ensemble et que nous acceptions des compromis pour mieux fonctionner dans notre intégralité) étaient en pleine discussion pour améliorer certaines choses de notre quotidien.

On voudrait changer de boulot car celui que je fais actuellement est très épuisant physiquement et on voudrait se mettre d'accord sur un boulot futur intéressant.

Certaines de mes parties voudraient devenir psy. Il faudrait donc qu'on trouve un moyen de goupiller un travail qui me permette de subvenir à mes besoins et reprendre des études en même temps.

Le truc c'est que cela fait des mois qu'on se chamaille là-dessus et nous n'arrivons à aucun compromis, aucun accord. On voudrait aussi améliorer notre quotidien comme réussir à sortir se promener sans ressentir d'angoisse et de tétanie.

Je crois que la venue des parties couardes et des grossières et un moyen que mes parties contrôles ont trouvé pour faire bouger les choses.

C'est du genre "ah oui vous n'arrivez pas à vous mettre d'accord et bien on va voir ce que vous allez faire en étant vraiment indécises et perdues…" et pouf les parties couardes ont été catapultées dans le système. "ah oui vous n'arrivez pas à vous décider et bien on va voir ce que vous allez faire en étant quelqu'un qui tranche dans le lard et ne prend pas de gants et de pincettes…" et pouf les parties grossières ont été catapultées dans le système.

Je ne sais pas si je suis très clair…

Comment vous faire comprendre que j'ai des switchs que je ne contrôle pas qui sont en lien avec mes souvenirs traumatiques qui durent quelques minutes ou quelques heures lorsque par exemple quelqu'un me gueule dessus. Dans ces cas là je "suis" une seule parties" et je "revis" le traumatisme en lien avec ce qui "a fait venir cette partie (le fait qu'on me gueule dessus)".

Mais le reste du temps, mes parties contrôles gèrent et essayent de nous faire toutes et tous avancer et aller mieux. Il y a toujours un but derrière leurs actions et je finis toujours par comprendre pourquoi j'ai du vivre ou faire ce qu'elles ont orchestré.

Mes parties contrôles décident qui peut disposer du corps et agir et qui peut être présent ou non et ressentir et partager la manière d'être et les pensées de la ou les parties qui ont le corps. Parfois ce partage se fait avec l'accord de tous les participants, parfois (et c'est souvent le cas), ce partage est un partage forcé. Mes parties contrôles obligent plusieurs parties à être présentes et à "vivre" l'expérience et le vécu d'une autre partie pour les pousser à s'accepter et se comprendre.

En ce moment, toutes les parties qui jusqu'à maintenant collaboraient entre elles ont été forcées d'être présentes mais uniquement en tant que spectatrices impuissantes. Elles ne pouvaient que regarder et ne disposaient pas du droit d'agir avec le corps, elles pouvaient uniquement ressentir et partager la manière d'être et les pensées des parties couardes. Je ressens alors de l'angoisse (j'ai mal au ventre), je suis tétanisée, paralysée. Je n'ai que des pensées d'impuissance, de désespoir, d'incompétence. J'ai l'impression d'être une petite fille perdue. Je n'ai plus à ma disposition mes compétences, je ne sais plus comment être une femme adulte qui sait répondre fermement à mes collègues de travail masculin, j'ai une petite voix de souris, je suis toute timide et effacée, et je recherche une personne à qui m'accrocher pour qu'elle me guide.

J'ai par exemple appelé ma sœur et écrit à ma psy, leur demandant si elles pouvaient téléphoner à mon patron et lui dire que la semaine prochaine je ne pouvais pas venir au travail car je dois m'occuper de mes filles et les aider à faire leurs devoirs. Je voulais que ce soit elles qui le fassent et pas moi parce que moi j'avais trop peur de me faire engueuler, mon patron me semble être un géant et j'ai peur de lui (il n'y a aucune raison à cela mais ces parties couardes ne le savent pas)… Je n'étais plus une femme adulte capable de dire simplement les choses. J'en étais incapable…

C'est très frustrant croyez-moi !

Et je ne vous dis pas le bazar là-haut dans mon ciboulot !

Dans ma tête c'est un peu comme des vagues, un coup je ne SUIS que les petites couardes, je suis en panique, je souffre physiquement, je pleure, je suis perdue… Je n'entends et ne ressens rien d'autre. Puis une autre vague et là j'ai accès à toutes les pensées des autres parties et ça crie dans tous les sens.

"Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel? Mais qu'est-ce que tu fout? On va perdre notre boulot par ta faute! Non mais qu'elle est conne ! C'est simple pourtant, appelle les et dis leur ! Ouin ouin j'ai peur ! Ouin ouin j'ai mal pourquoi vous êtes tous fâchés j'aime pas quand vous êtes fâchés ! Ouin ouin je veux paaaaaassss ressentir tout ça. Ouin ouin je veux trouver un papa et une mammmmaaaaannnnn… Personne ne s'entend on ne peut pas s'en sortir tout seul, il nous faut de l'aide !".

Et j'ai contacté ma psy pour savoir si on pouvait faire une séance Skype avec l'espoir qu'elle brieferait ces foutues parties couardes et leur apprendrait à être plus fortes et sûr d'elles.

Mais elle n'était pas dispo… Elle a répondu qu'elle pouvait le lendemain.

Et là explosion… "Personne n'est là, on est toutes seules, on nous abandonne encore, personne ne s'intéresse à nous, personne ne veux nous aider…" Pensées suicidaires, larmes, désespoir total...

Puis colère. "Allez tous vous faire voir, vous n'êtes que des menteuses, la société est pourrie, on ne s'en sortira jamais, c'est que de la merde, ca sert à rien tout ça, cette psy est nulle, c'est qu'une menteuse, je la déteste… Je vais tout envoyer péter, jamais je retournerai la voir, jamais je ferai son foutu partage, j'ai pas besoin d'elle moi, personne me dit ce que je dois faire !".

Et j'ai ces parties grossières qui viennent. Je suis les couardes mais je suis aussi les grossières. Et depuis le début du confinement je suis ces deux groupes de parties. Les couardes qui ont peur de tout, qui ne savent rien faire, doutent de tout, cherchent un ou une sauveuse et par derrière, j'entends les insultes et les remarques acerbes des grossières.

Par instant des choses m'échappent, j'ai de plus en plus de mimiques, des soupirs d'exaspérations, des coups de pieds rageurs ou des gros mots chuchotés qui sortent sans que je m'en aperçoive. Ma patronne vient et me parle, elle s'en va et je chuchote "espèce de connasse!", un ouvrier me parle, mon visage se crispe et je fais un bruit avec ma bouche...

C'est très effrayant. Toute ma vie j'ai toujours été dans le contrôle de mes actes pour que rien ne se voit, que mon monde intérieur ne se perçoive pas. Lorsque j'avais besoin des compétences et connaissances d'une partie, elle seule était présente pour accomplir la tâche dévolue puis hop je switchais et une autre prenait le relais. Ma vie n'était qu'une succession de switchs. Parfois de "bons switchs" (pas liés aux souvenirs d'un traumatisme), et parfois de "mauvais switchs"(très douloureux et effrayants). Chaque partie était catapultée l'une après l'autre pour jouer son rôle de protection et d'aide et aucune ne se posait de question et cherchait à comprendre ce qu'il était advenu avant qu'elle réapparaisse. J'avais quelques indices bien sûr mais trop peur de m'y confronter pour comprendre ce qui se passait.

A présent que beaucoup de mes parties ont compris que nous sommes plusieurs à partager ce corps, les choses se compliquent !

Pour réussir à être plus cohérente, plus lisse, plus "normale", je dois accepter mes ressentis et mes pensées. Dans mon passé, je n'avais pas le droit d'être en colère ou d'avoir peur ou d'être désespérée… J'ai donc "du" me "séparer" de ces ressentis pour survivre, les mettre dans un petit coin de ma tête. A présent, je dois réapprendre à y faire face et les accepter, les comprendre et les doser pour qu'ils prennent leurs justes places dans mes actions et mes décisions.

Pour cela il faut que je laisse les parties qui les contiennent "être moi". Avec toutes la rage qu'elles contiennent d'avoir été tues et cachées pendant des années. Pour qu'elles puissent être entendues et qu'elles puissent se sentir enfin aimées, comprises...

Mais c'est un passage très difficile de ma thérapie !

Avoir ces parties couardes et grossières sans filtre sera un atout dans ma vie. Pour pouvoir décider des choses dans notre vie nous avons besoin de prendre du temps pour nous écouter, peser le pour et le contre (ce que font les parties couardes) mais aussi d'être fortes et déterminées et parfois de trancher dans le vif pour avoir ce qu'on veut (ce que font les grossières).

Même si actuellement je suis très déroutée et déstabilisée, je comprends le but de mes parties contrôles. Je pense que lorsque ces nouvelles parties auront été acceptées et intégrées aux autres parties, je serais plus à même de prendre des décisions et les mettre en action...



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