Que vous soyez proches d'une personne dissociée ayant vécu des traumatismes ou un professionnel qui va entendre sa parole voici quelques points importants qui pourront vous aider et nous aider :
Soyez curieux et informez vous :
Lorsque nous comprenons que nous sommes dissociés, nous aurons une phase ou nous allons beaucoup nous documenter, chercher à comprendre et à faire comprendre à notre entourage.
Nous allons vous envoyer des vidéos, des articles, des livres... Lisez les, parlez en avec nous. Montrez nous que vous êtes présents, attentifs, désireux de comprendre...
N'hésitez pas à poser vos limites de façon claire.
Au début lorsqu'on commence à comprendre ce qu'on a vécu, peut-être allons nous vous inonder de messages... Peut-être vous sentirez vous débordés...
Vous pouvez alors poser des limites telles que : "j'ai bien reçu toutes tes vidéos ou tous tes articles. Je te remercie. Je comprends ton désir de m'informer mais pour pouvoir bien t'écouter et être présent à tes côtés, je préfère que nous en discutions de temps en temps ensemble. Je comprends ta colère de découvrir tous ces témoignages d'enfants ou de personnes qui ont vécu des traumatismes comme toi, ta colère est légitime et je suis en colère et triste moi aussi ! Les lire me bouleverse et me rend très triste comme tu dois l'être également. Mais pour être bien présent et attentif à tes côtés, j'ai besoin que tu m'envoies uniquement les articles ou références essentielles pour que je te comprenne et puisse mieux t'aider. Je te promets de les lire et d'en discuter avec toi. Je te remercie de m'aider à mieux te comprendre. Je te crois et je t'entends."
Vous pouvez aussi nous dire que vous avez bien reçu nos envois et que vous les consulterez dès que vous le pourrez, que vous avez besoin de choisir un moment propice à leur lecture mais que vous promettez de le faire. Et lorsque vous les aurez lu, dites le nous.
Lorsque nous comprenons ce qu'on nous a fait, nous avons une phase de grande colère en voyant que des milliers d'autres victimes ont vécu la même chose que nous.
Nous serons en colère contre la société, l'état, la justice et nous voudrons le faire comprendre à notre entourage, le leur montrer, qu'ils partagent notre colère et notre indignation de cette indifférence générale...
Notre corps tout entier criera l'injustice, la détresse, l'abandon que nous avons vécu. Cette phase est normale.
Petit à petit nous apprendrons à nous en protéger et à partager avec vous d'autres moments. Laissez nous exprimer cette phase légitime sans nous culpabiliser ou nous abandonner et rejeter. Ce sera notre premier pas pour accepter nos ressentis de colère, les comprendre et voir qu'ils sont légitimes. Restez présents à nos côtés et soutenez nous. Soyez compréhensifs et bienveillants.
Si vous nous rejetez lors de cette phase, ce sera très douloureux pour nous, nos traumatismes liés à l'abandon, toutes les fois ou on ne nous a pas entendu, vu, protégé seront exacerbés. Nous aurons l'impression qu'à nouveau nous sommes abandonnés, à nouveau nous sommes trahis malgré toutes les "preuves" que nous vous montrons, malgré les témoignages de toutes ces autres victimes, que rien ne change… Nous aurons du mal à comprendre que vous ne vous mettiez pas en colère vous aussi, que vous refusiez de voir la réalité de l'omniprésence des violences faites aux enfants. En refusant de voir la violence subie par les autres, c'est comme si c'était nous que vous abandonniez et refusiez de voir… Ce moment est crucial pour établir un lien de confiance avec nous ! Et si vous montrez des signes de peur et de rejet face à cette colère que nous exprimons, vous nous enverrez le message qu'il est interdit d'être en colère, et que donc nous n'avons pas le droit de l'être. Nous avons dû refouler nos sentiments d'impuissance, notre rage, notre douleur lors des traumatismes. Voir que les exprimer et les ressentir pour le vécu d'autres personnes traumatisées est acceptable, permet que nous nous autorisions à le penser pour nous puis le ressentir pour nous et enfin accepter de l'accueillir comme faisant partie de nous… De plus, cette phase de colère s'associe à une phase de tristesse et de désespoir intèrieurement. De la même façon, voir que vous n'êtes pas effrayés par l'expression de ces sentiments nous permet de nous autoriser à les ressentir et donc les accepter sans honte ni culpabilité...
Au début, pour une personne traumatisée, il est plus facile de tester et voir la réaction ou non réaction de notre entourage sur des situations extérieures à nous. Si vous défendez d'autres personnes alors peut-être nous défendrez vous ? Si vous êtes touchés et concernés par les blessures des autres, alors peut-être serez vous touchés par nous ? Si vous acceptez d'écouter l'histoire de souffrance d'un autre, alors peut-être accepterez vous enfin d'écouter la notre ? Cela nous permet de sentir quelle "personne" vous êtes sans nous mettre en danger. Et nous permet d'apprendre et d'intégrer que ce qu'on nous a fait est interdit, que ce qu'on nous a fait est mal, qu'ils n'avaient pas le droit. Que pour d'autres victimes vous le dites et vous réagissez et donc que peut-être pour nous aussi vous le ferez… Cela nous permet de nous autoriser à nous penser enfin en tant que victimes.
Nous aurons aussi surement une phase ou nous allons prendre les informations sur n'importe quel site, sans recul, sans esprit critique, sans protection…
J'ai moi-même suivi une chaîne YouTube d'un homme qui parle de conspiration sataniste et voit les agissements d'une secte luciférienne dans tous les témoignages de viols d'enfants. Ayant grandi dans une secte ou l'utilisation du paradis et de l'enfer comme menace était quotidienne, ces explications prenaient un sens pour moi, donnaient un sens à des agissements incompréhensibles... J'ai mis du temps à avoir un esprit critique vis-à-vis de ces publications et à m'en éloigner.
Certaines associations sont dans l'hyper information et ne véhiculent que des messages négatifs. J'ai mis du temps à m'en dégager et à voir quels étaient les sites ou personnes à suivre et ceux qui activaient beaucoup trop mon désespoir ou mon sentiment d'impuissance.
Aidez nous à prendre du recul et à trouver ce qui nous aide à avancer. N'hésitez pas à critiquer nos sources dans la bienveillance et l'empathie. Conseillez nous les sites ou associations "officielles", les articles scientifiques étayés par des recherches solides et reconnues. Lorsque nous sommes dans cette phase, restez ouvert et compréhensif. Cette phase ne durera pas, petit à petit nous apprendrons à nous protéger et à développer notre esprit critique et à trouver ce dont nous avons besoin.
Aidez nous dans la bienveillance à voir qu'il existe de l'espoir, de la beauté, du bonheur en ce monde. Faites le sans nous brusquer et nous culpabiliser car ce passage de compréhension sur ce que nous avons vécu et de voir que d'autres victimes existent est extrêmement douloureux pour nous ! Aidez nous à voir le monde dans toute sa réalité et sa complexité. Et accompagnez nous sur ce chemin de la compréhension de nous même et de ce qu'est la dissociation.
Nous avons toujours cru que nous étions seuls et invisibles, découvrir qu'il existe de part le monde pleins d'autres victimes fait très mal mais est aussi bénéfique pour nous ! Nous avons des "frères et sœurs de banquise" comme le dit Adélaïde Bon.
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