Certaine de mes parties sont très présentes ces jours ci : des dépressives.
Tout ce qui se passe dans les médias actuellement, réveille ma tristesse et mon sentiment d'abandon. Je ne comprends pas comment l'homme peut-être aussi mauvais, faire autant de mal… Avoir autant de haine… L'histoire de George Floyd, les violences policières, la division d'opinion aux Etats-Unis...
Qu'est-ce qui fait qu'un homme va se couper de tout ressentis, va refuser la part humaine et émotionnelle de l'autre ?
Comment peut-il le faire ? Comment ne pas entendre la souffrance de l'autre, sa détresse ?
J'ai des parties idéalistes qui ont grandi avec cette idée que l'homme peut et doit être un "saint", une personne tendant vers la "sainteté" et ces parties pensent que tous les hommes cherchent à accomplir cela. Elles voient tous les hommes comme foncièrement bons et cherchent à comprendre leurs actions, à les excuser. Ils doivent avoir une bonne raison pour agir ainsi, il faut que je comprenne pourquoi ils agissent ainsi...
D'autres parties au contraire pensent que tous les hommes sont mauvais, qu'ils ont toujours fait le mal et le feront toujours et que se battre ne sert à rien.
J'oscille donc entre ces deux manières de penser et voir les choses et cela me met en grande souffrance. Dans ces moments là, j'ai l'impression d'avoir le corps en feu, la peau hypersensible, que le moindre contact va faire que je m'enflamme. Je vie, je ressens la haine des autres dans mon corps de manière physique et sensorielle. Je ne suis bien nul part, je veux fuir, je suis hyperactive mais sans rien accomplir de concret, je ne désir qu'une chose réussir à "sortir de mon corps", échapper à cette souffrance que je ressens.
J'ai beaucoup besoin de me protéger des médias et des informations en général car cela réveille trop mes conflits internes. Toutes les annonces de violences sur enfants, féminicides, meurtres me plongent dans le désespoir et activent mes parties pessimistes qui voient là une preuve qu'aucun espoir n'existe.
Je suis également très sensible aux conflits entre les différentes associations qui luttent contre les violences et voir qu'elles se déchirent régulièrement renforce l'impression de solitude. Si ces associations se déchirent jamais elles ne parviendront à changer les choses !
J'ai des parties qui pensent que la société et la justice sont parfaites en opposition à la secte. Elles croyaient qu'il suffirait que je fuie la secte pour être en sécurité et être sauvée. Malheureusement la réalité est bien différente… La secte m'a enseigné à me méfier de la société, selon eux, la société est injuste, mauvaise, égoïste, malsaine… Et d'une certaine façon, ils avaient raison. Tous les jours des exemples des informations le prouvent...
Je dois constamment lutter intérieurement avec mes croyances.
La secte est mauvaise, ils sont des monstres, je ne suis pas en sécurité, je dois fuir. La société va me sauver, me protéger, m'entendre, la justice va faire son travail et juger la secte.
Depuis que j'ai quitté la secte, j'ai du apprendre et assimiler le fonctionnement, les lois de la vie en société et je suis déçue, tellement déçue !!!!! Les enfants n'y sont pas plus protégés, les services sociaux sont dangereux, la justice ne juge pas, elle acquitte les mauvais, les mauvais sont puissants et ont le pouvoir… Les gens en général sont égoïstes. Ils refusent d'entendre, ils laissent faire, ils ferment les yeux… Créer des liens est très difficile. Pour créer des amitiés, il faut jouer un rôle, ne parler de rien ou les gens s'éloignent.
Parler de mon TDI est dangereux, les gens me perçoivent comme dangereuse ou folle. Malgré la reconnaissance de cette maladie dans le DSM V et la CIM, le TDI n'est pas connu en France et personne n'a entendu parler de la dissociation. Malgré les preuves en neuroimagerie, les psys se déchirent en pensent que c'est une affabulation.
J'ai beaucoup de mal à comprendre comment et pourquoi les gens ne me croient pas. Pourquoi dès que j'aborde le sujet de la dissociation ou de l'amnésie, la première question qu'ils vont poser sera pour savoir comment je suis suivie et si je suis manipulée. Ils ne veulent pas entendre que mes symptômes sont présents depuis mon plus jeune âge, ils ne veulent pas que je leur parle régulièrement pour qu'ils puissent voir par eux-mêmes que j'ai bien des parties et qu'ils puissent échanger avec elles pour se rendre compte.
Je me sens seule, tellement seule parfois !
Tout espoir disparaît, l'avenir n'existe plus et je ne suis que souffrance et feu brûlant à l'intérieur...
J'ai appris à cloisonner les choses dans mon esprit parce que c'était plus facile ainsi. Des parties pour vivre et voir le bien et le beau et des parties pour vivre et voir le mal. A présent je dois faire rejoindre ces deux modes de pensées et c'est très difficile parce que cela ne résout pas le problème de comprendre pourquoi le mal existe et comment un homme est capable de le faire. Leurs agissements n'en prend pas plus de sens ni d'explication. Cela reste toujours incompréhensible, illogique et inconcevable. Et comment vivre avec cela ?
Et c'est tellement difficile de ne pas pouvoir classer les gens dans une case ou dans l'autre. D'un côté les bons, de l'autre les méchants. Avant c'était ce que je faisais, la première rencontre avec une personne faisait généralement que je la mette sur un piédestal puis une action ou réaction de sa part activait mes parties pessimistes et je plongeais dans le chaos et le désespoir. A présent je comprends mieux que l'homme est "imparfait", fait des erreurs, a de bons côtés et des moins bons. J'arrive à le conceptualiser pour les relations simples mais pas pour ceux qui ont un poste, une responsabilité dans la société. Les juges, les avocats, les médecins, les assistantes sociales, les prêtres, les policiers… toutes ces personnes dans mon esprit se doivent d'être parfaites et irréprochables parce qu'elles ont un rôle, un travail. Et j'ai tendance à les idéaliser et à tomber de haut quand ils se montrent "humains imparfaits". Pour moi, de par leur statut, ils se doivent d'être des "saints". Et réaliser que ceux ne sont que des "Hommes" me plonge dans le désespoir et la colère.
Je suis en permanence à la recherche de sauveurs, de parents, d'amis mais cette recherche est vouée à l'échec car elle n'est pas réaliste.
Il y a quelques temps, j'avais entendu une conférence d'une femme légiste qui autopsiait les corps des migrants morts en Méditerranée. Elle expliquait qu'elle avait pu retrouver l'identité de ces personnes en observant leurs corps, leurs os et avait pu en informer les familles. Des parties de moi ont voulu la contacter pour lui demander de m'autopsier, elles pensaient que cette femme serait à même de voir et dire tout ce que j'avais vécu. Que grâce à cela plus personne ne pourrait douter de ce que je disais !
Je n'arrivais pas à comprendre que je n'étais pas morte et que cette femme travaillait sur des cadavres. Ma réflexion était tronquée, il y avait des angles morts, des choses illogiques mais je m'accrochais désespérément à cette idée que cette femme pourrait m'aider à prouver mes dires. J'ai souvent des croyances de ce style, l'espoir que je vais trouver un moyen, une personne qui pourra prouver mes dires pour que jamais plus ma parole ne soit mise en doute.
J'apprends petit à petit à chercher des moyens de respirer, de reprendre espoir et courage. Des moyens de pouvoir voir à nouveau un peu de lumière dans toute cette noirceur.
Je regarde beaucoup de vidéos sur les animaux, sur les liens d'amour, de confiance qu'ils nouent avec les hommes. Et j'essaie de sortir dans la nature le plus souvent possible, d'absorber la paix et le calme qu'elle dégage. Je privilégie de plus en plus l'information positive, chercher le beau, la douceur, la bonté…
Et j'essaie de me faire à l'idée que le but le plus important pour moi et d'aller mieux, de comprendre mes parties, d'assimiler et intégrer ce que j'ai vécu pour trouver la paix et être enfin libérée de ces souffrances intérieures.
J'essaie de faire comprendre à mes différentes parties que justice ne sera peut-être pas faite le jour où enfin je serai à même d'aller voir la police, que peut-être qu'on ne me croira pas, que peut-être ils seront relâchés et que la punition qu'ils auront ne sera jamais à la hauteur de la souffrance que j'ai vécu et que cela n'effacera pas ce qu'ils m'ont fait.
Seule ma propre guérison compte et personne ne saura vraiment ce que j'ai vécu à part moi. Je suis la seule à pouvoir me libérer, la seule à pouvoir apaiser mes souffrances.
Il n'y aura pas de "prince charmant", pas d'"intervention divine", pas de "parent parfait", pas "d'amis idéals"... Je suis la seule à pouvoir me sauver et je dois accepter de vivre dans ce monde et cette société imparfaite parce qu'il n'en existe pas d'autre. Je dois accepter que rien n'est simple, rien n'est noir ou blanc et que ce qui est beau et fait du bien réside dans les choses simples et non dans des espoirs imaginaires et grandioses.
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