C'est une période qui a toujours été un peu confuse dans mon esprit liée à beaucoup de switchs entre parties dissociatives.
Cette période me plonge beaucoup dans des "retours en arrière", des souvenirs de Noël pas franchement heureux...
Le gourou de la secte dans laquelle j'ai grandi venait souvent à cette occasion et en profitait pour me violer. C'était une période où je me sentais vraiment seule, invisible, abandonnée au milieu de beaucoup de gens. Lors de ces fêtes, les maisons de la secte se remplissaient et nous célébrions les fêtes en étant très nombreux.
Et nous avions le droit d'aller dans notre famille voir nos grands-parents entre Noël et le nouvel an. Cela mettait mes parents en état d'anxiété. Je sentais qu'ils étaient sur la défensive. Nous nous rendions en "terrain ennemie"... Nous étions tous sur la défensive, surtout vis-à-vis de ma famille du côté paternel. Mes grands-parents paternels étaient "riches", ils aimaient la bonne nourriture, avaient une belle maison avec jardin, mes oncles et tantes avaient une "situation", un travail glorieux, fait de grandes études et avaient donc "réussi dans la vie" au sens qu'en donne la société. Nous arrivions à contre courant dans cette atmosphère. Nous étions les moutons noirs, les membres de la famille étranges... Je me méfiais d'eux. Ils étaient tout ce que la secte et mon père nommaient comme "diabolique" et mauvais. Vivre dans l'opulence était signe d'égoïsme, ils ne se souciaient pas des pauvres... Ils ne "donnaient pas leur vie" contrairement à nous, ils ne se sacrifiaient pas pour les autres, ils pensaient à eux, uniquement à eux... Ils étaient le mal.
Ma mère avait une histoire douloureuse avec eux. Divorcée-remariée, elle était celle qui avait fait de mon père celui qui avait quitté sa première femme et abandonné ses 4 premiers enfants. En leur présence , elle était gênée, timide, mal à l'aise. Je me mettais donc sur la défensive en leur présence, je cherchais à protéger ma mère, je ne comprenais pas les conflits sous-jacent, je sentais juste la tension omniprésente entre les adultes. C'était eux contre nous, les mauvais contre les justes.
Mes cousines et cousins avaient beaucoup de choses, de belles chambres, de beaux jouets... Je les jalousais énormément. Nous nous sentions tellement en décalage par rapport à eux ! Ils avaient la télévision, des loisirs... tellement de choses que nous ne comprenions pas.
Mon père était constamment en conflit avec eux. Que cela soit avec ses parents ou son frère, mon oncle prêtre. Il passait son temps à les critiquer, les insulter, les rabaisser... selon ses dires, ils le rabaissaient, ils ne l'aimaient pas, ils refusaient notre choix de vie...
Tout avait été fait pour que jamais je n'ai suffisamment confiance pour me confier à eux.
La famille du côté de ma mère en revanche était tolérée. Ma grand-mère était une femme simple, n'ayant pas fait de grandes études, ayant gardé des vaches dans son adolescence. Elle vivait en HLM avec sa fille, la sœur de ma mère qui est handicapée. Elle correspondait plus à une vie que nous pouvions accepter et tolérer dans la vision manichéenne qui nous était inculquée. Du côté de la famille de ma mère, il y avait peu d'homme. Je m'y sentais donc plus en sécurité. Mon père les rabaissait et n'aimait pas trop y aller. Pour lui, ma grand-mère était une femme un peu simple d'esprit mais gentille. Pas une menace contrairement aux membres de sa famille qui n'hésitaient pas à critiquer ses dires et remettre en cause sa parole, à lui répondre et lui tenir tête même si il explosait et s'énervait. Ma grand-mère maternelle, elle n'y répondait peu ou pas et écoutait ses déclarations religieusement en acquiesçant, si mon père s'énervait, elle avait exactement le même comportement que ma mère, elle se taisait et pliait. Son comportement, sa recherche du non conflit était pour moi habituelle et apaisante d'une certaine façon. Nous étions en "terrain connu". L'ambiance y était donc beaucoup plus détendue et je m'y sentais en confiance. Chez ma grand-mère maternelle, j'étais plus en mode, nous contre mon père et ses crises de colère. Comme dans la secte... Nous savions comment réagir, ma mère était détendue. Je pouvais enfin lâcher la garde et profiter d'un environnement dans lequel je me sentais en sécurité sans conflits de loyauté, sans tiraillements...
Dans la secte, nous avions donc droit à quelques jours entre Noël et le nouvel an et à deux semaines de vacances l'été. Nous avions l'obligation d'être présent lors des "temps forts" tels que Noël, Pâques... toutes les fêtes religieuses. Pour pouvoir nous rendre dans notre famille, mes parents devaient demander la permission aux responsables de la secte. Cette permission était facteur de beaucoup de chose... C'était un moyen de pression et de récompense ou punition par le gourou et sa femme. Nous avions le droit officiellement de rester en lien avec le "monde extérieur" et notre famille mais uniquement si nous étions de bons petits membres de la secte et si notre famille acceptait notre choix, donnait de l'argent pour nos œuvres et la secte et venait nous rendre visite sans critiquer. Dans le cas contraire, le lien était mauvais pour nous et nous devions le couper sur ordre et pression du gourou et les membres de la secte.
Actuellement, je rejoue encore beaucoup ces conflits intérieurement. Quitter mon travail pour prendre quelques jours de vacances en famille m'est très difficile. Tout comme dans la secte, j'ai l'impression de trahir mes engagements, faire passer mes besoins avant ceux qui semblent vitaux. Etre quelqu'un d'égoïste face à mon copain et patron qui lui continue de travailler et ne prend pas de congés.
A cela s'ajoute mes conflits internes vis-à-vis de ma mère. Je l'aime, elle est affectueuse, c'est une merveilleuse grand-mère pour mes filles. Mais dès que je dois m'y rendre pour que mes filles y passent des vacances par exemple, je suis envahie par de très forts conflits internes. Je n'arrive pas à me décider, pendant plusieurs jours, je suis incapable de fixer mon jour de départ en voyage. La plupart du temps, c'est au dernier moment que j'arrive à prendre la route, tergiversant pendant des heures avant. Je fais alors mes bagages en vitesse, n'ayant pas réussi à les faire avant. Lorsque j'arrive chez elle, je suis envahie par la colère, j'ai envie de lui hurler dessus. Je suis envahie par des souvenirs douloureux, un sentiment très fort d'injustice que je veux hurler. J'étouffe, j'ai l'impression d'être piégée. Dans ma tête ça hurle en permanence, j'entends pleurer... Je suis obligée d'utiliser énormément d'énergie pour bloquer mes parties dissociatives, tout contrôler. C'est insupportable, très douloureux et épuisant ! J'ai comme l'impression d'être transpercée d'aiguille, torturée en direct.
Pour ne pas dire et exploser, je switch en une partie qui est épuisée et ne cherche qu'une chose : dormir. Dormir pour fuir ces ressentis et ne plus rien éprouver de douloureux. Si je dors, il n'existe aucun conflit. Je ne dis rien à ma mère. Tout va bien. Nous sommes une famille parfaite, mes filles sont heureuses, elles se font chouchouter par leur grand-mère.
Très vite, j'ai envie de fuir et repartir. Cela hurle dans ma tête, "j'en peux plus, j'étouffe, tu dois partir, fuis, vite !!!!". Je prépare alors mes affaires pour faire mon trajet de retour seule.
Je me sens soulagée. Mes filles vont bien. Elles sont en sécurité. Elles vont recevoir beaucoup d'amour, elles vont bien. Moi je ne peux pas. Moi je n'y ai pas le droit.
Lorsque je pars, je commence à entendre des parties dissociatives pleurer. Elles aimeraient tellement rester, tellement pouvoir profiter elles aussi. Pourquoi on ne peut pas nous aussi?
Sur tout le trajet de retour, des parties pleurent et je me sens coupable. Pourquoi je ressens cette colère contre ma mère? Pourquoi ne puis-je pas simplement profiter ? Pourquoi ne puis-je pas lui pardonner? C'est une bonne mère, je l'aime. Elle m'a donné de l'amour, elle en donne à mes filles... Pourquoi n'est ce pas suffisant ? Je suis tiraillée entre reproche, colère et loyauté, reconnaissance, affection et amour.
J'ai l'impression de n'être que cela en ce moment. Une putain de girouette qui ne sait pas ce qu'elle veut, ce qu'elle pense, ce qu'elle ressent...
Je déteste cette période des fêtes.
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