Dans quelques temps je vais participer à une réunion pour parler du TDI et je vais y témoigner en tant que personne vivant avec ce trouble au-près de professionnels exerçants déjà sur le terrain.
Cette réunion est formidable pour moi, pour nous !
Formidable car nous allons pour la première fois témoigner publiquement. C'est un bon entraînement pour moi et mes parties car cela me permettra d'assimiler le fait que parler ne me tuera pas, parler ne me mettra pas en danger de mort.
Formidable car plusieurs de mes parties souhaitent s'impliquer et commencer à nous aussi faire le colibri et transporter notre petite goutte d'eau pour éteindre ce monde en flamme... Nous voulons dire, nous voulons former, informer... Nous voulons nous montrer, montrer l'existence des TDI et apporter notre témoignage pour que peut-être grâce à ces professionnels courageux et impliqués qui acceptent d'assister à cette réunion, d'autres gens comme nous errent moins et trouvent de l'aide plus rapidement que nous ne l'avons fait.
Mais cette réunion est aussi très éprouvante émotionnellement pour moi !
Éprouvante car depuis que je sais que je vais y participer, certaines de mes parties petites se réactivent.
Elles savent que je vais être "devant", assise sur une chaise et que les gens vont me regarder, m'écouter... C'est tout ce qu'elles ont entendu. Et elles sont terrorisées !
"Est-ce que après le spectacle je vais devoir me mettre tout nu et faire des choses avec les gens? Est ce que les gens sont méchants ? Moi je veux pas faire les choses tout nu avec les gens !"
J'en ai beaucoup parlé dernièrement avec ma psy et lorsque ces parties petites viennent, je suis très effrayée. Souvent, je me regarde. Je regarde mon corps. Mais ce n'est pas mon corps d'aujourd'hui que je vois. Je vois un corps de petite fille. Un corps nu de petite fille qui saigne. Je suis assise là, dans le cabinet de ma psy mais ce que je vois c'est mon sexe de petite fille qui saigne. Ce que je ressens alors c'est la terreur de ce "spectacle" qui va avoir lieu, et je sais que à la fin de ce spectacle, je vais être emmenée par le gourou et par ces personnes. Je sais que pendant ce spectacle, je suis en vente, comme dans les marchés aux esclaves, leurs regards me soupèsent, me jugent... Je sais que le gourou m'a mise à ce rôle, m'a mise en avant pour cela. Et il jubile. Personne ne sait que cette petite fille qui joue gentiment ce rôle, que ce spectacle "chrétien" est en fait une mascarade, est une vente aux esclaves, une esclave sexuelle. Il le sait. Je le sais. Mais personne d'autre ne le voit.
Cette partie petite est à peu près du même âge que celle "des cages", un tout petit peu plus grande, elle ne m'a pas encore dit son âge, elle commence juste à venir et raconter par bribes. Je crois qu'elle a autour de 3 ou 4 ans.
Le gourou nous vendait et obtenait des choses en échange. Je devais faire cela pour avoir à manger, pour que ma famille, mes parents, les gens avec qui je vivais aient à manger et un toit où vivre. Le gourou. C'est ce qu'il disait. Si je ne le faisais pas nous allions tous mourir. Et ce serait de ma faute. "Tu aimes tes parents n'est-ce pas ? Tu aimes tes frères et sœurs ? Tu ne veux pas qu'ils meurent comme ta sœur ? Alors tu dois donner le corps pour le bien de tout le monde."
Ma psy échange avec cette partie. Elle lui explique encore et encore avec une patience d'ange que non, je n'aurais pas à me mettre tout nu. Non je ne devrais pas faire "des choses" avec les gens. Il y aura des hommes et des femmes mais ils ne sont pas méchants et ils ne me feront pas de mal... Non les hommes ne demanderont pas que je me mette tout nu... Non je n'aurais pas à porter les habits qu'ils ont apporté. Non il n'y aura pas d'animaux et pas de chaînes à la réunion. Dans une réunion, on parle, on s'écoute et rien d'autre...
J'ai vu ma psy hier. A nouveau nous en avons reparlé et pour la première fois cela a fait tilte dans la tête de la petite. A cette réunion il ne se passera rien, on ne me blessera pas, on ne me fera pas de mal. Je suis en sécurité. C'est fini.
Depuis, je l'entends pleurer à gros sanglots dans ma tête et j'ai le cœur lourd.
Cette petite, je ressens TANT d'amour pour elle ! Cette petite est tellement merveilleuse, tellement courageuse !!! Personne ne t'a vu ma chérie. Personne ne t'a protégée. Personne ne t'a rassurée, consolée mais à présent ce n'est plus le cas.
Cette petite nous l'entourons tous de notre amour, nous pleurons à ses côtés, nous essuyons ses larmes et nous éclatons de rire et de larme de bonheur avec elle... Parce que c'est fini ! Le temps des spectacles où je devais donner le corps est fini !
Et ces professionnels psys que je vais voir, à présent à ses yeux, ce sont des supers héros. Des supers héros car ils vont à l'aide de leur "super" vision la voir. Elle qui a toujours été invisible, ils vont vraiment la voir, vraiment l'écouter, vraiment la croire et la prendre en compte. Un super pouvoir de vision qui fera que enfin elle sera vue comme l'enfant qu'elle est qui ne veut pas de sexe, même si elle est "sur scène" et qu'on la regarde, elle n'aura pas à payer de son corps cette mise en avant.
Aujourd'hui, je veux écrire et dire tout haut toute la reconnaissance que j'ai pour elle, clamer haut et fort son courage et sa force, et la remercier de m'avoir permis de survivre en prenant cette part si lourde de mon histoire, en acceptant de la garder, de la porter à ma place, à notre place pour pouvoir me la transmettre le jour où je serai prête.
Et je voudrais remercier ma psy. Cette femme formidable qui jour après jour m'aide à me sauver, m'aide à me retrouver, m'aide à me comprendre...
Remercier aussi toutes les personnes qui acceptent de nous voir. Remercier ceux qui acceptent de nous entendre.
Aujourd'hui j'entends beaucoup pleurer, des sanglots soulèvent ma poitrine mais ceux sont des sanglots de joies. C'est cela le partage. Certes c'est douloureux de faire face à ces horreurs vécues mais ensuite, il y a tellement d'amour intérieur, tellement de soulagement, tellement de joies...
Si vous êtes victime et que vous me lisez, n'ayez pas peur. Le partage c'est cela : de l'amour. C'est ce qu'il reste une fois que la douleur a été transmise. De l'amour, de la gratitude, des pleures de joies. C'est fini. On a survécu.
Le TDI c'est cela : l'acte le plus fort, le plus courageux d'amour que nous nous sommes fait.
N'ayez pas peur du partage. Chacune de vos parties est merveilleuse et bienveillante. Chacune d'elle. Vous êtes merveilleuses et tellement courageuses !
Soyez fières de vous comme je suis fière de moi, de tous et toutes mes moi.
Nous avons survécu !
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