Cet épisode est assez frappant, dérangeant pour moi.
Il touche à mon sentiment de culpabilité, de responsabilité dans ce que j'ai vécu.
Comprenez moi bien, moi, la Leelah adulte, je SAIS que je n'ai été coupable et fautive de rien !
Mais les phrases assassines de mes violeurs coulent dans mes veines, leur venin, leur relation ambigüe, leur chantage affectif a été intégré en moi. Certaines de mes parties ont appris à se plier à leur esprit tordu et leur perversion. Certaines de mes parties dissociatives ont pris comme rôle de protection et de survie interne les injonctions de mes violeurs. Elles les ont observés toute mon enfance et ont ainsi tenté de devancer, prévoir leurs coups tordus, leur prochaine action, leur prochaine maltraitance... pour que au moment où ils le feraient, je sois moins choquée, moins traumatisée... et donc que je survive.
Lorsqu'un enfant nait, il a des besoins affectifs, nutritionnels, de sécurité, émotionnels, d'écoute, d'attention... Cela tout le monde le sait à présent.
Et dans l'apparition de troubles dissociatifs ces carences des besoins développementaux de l'enfant jouent un rôle prépondérant.
Quand toute votre sécurité, votre bien être, la nourriture, le toit, la chaleur humaine dont vous avez besoin dépendent du bon vouloir d'une seule personne, vous n'avez pas vraiment le choix. Vous devez faire en sorte que cette personne ne soit pas en colère contre vous, ne pas la contrarier, ne pas s'opposer, ne pas provoquer... et qu'elle ne décide pas de nous priver de sécurité, bien-être...
La perversion des violeurs va jusqu'à nous faire croire qu'ils nous aiment, que leurs violences sexuelles sont pour notre bien. Comme dit dans ce podcast, nous avons l'impression "d'être l'élue". L'affection et l'attention dont nous manquons cruellement se transforment en monnaie de chantage. Je te donne un peu d'affection et de tendresse, si tu en veux, tu dois me donner ton corps en échange... L'un ne va pas sans l'autre. Mais d'un autre côté, le gourou faisait tout pour que mes parents soient épuisés, n'aient pas de temps à m'accorder, ne m'écoutent pas... Il créait ce manque, cette carence, cette absence et se présentait comme le seul pouvant le combler.
Etre "l'élue", c'était l'impression que j'avais. Et c'est très douloureux pour moi !
D'abord, il y a ses attentions, ses mises en avant, ses flatteries devant les autres, ses éloges, ses petits passe-droits qui font que l'on passe d'une personne invisible, niée, oubliée à quelqu'un d'exceptionnel, dans la lumière. Nous sommes aimés ! Il nous le dit.
Je grandissais dans une secte ou tout était restreint, contrôlé, interdit... La moindre petite faveur était un cadeau incroyable ! La secte nous obligeait à partager et redistribuer nos cadeaux d'anniversaire donnés par nos grands-parents, toute possession était méticuleusement critiquée, soupesée... Alors lorsque vous aviez le droit d'avoir un instrument de musique à vous, un animal de compagnie, un bijou... c'était merveilleux, inespéré ! Mon père était un homme obsédé par les pauvres, sauver les pauvres... Moi, sa fille, je n'existais pas, il ne me voyait pas. Le gourou disait que j'étais "sa fille adoptive", j'avais enfin un "père qui m'aimait".
J'ai enfin compris que je n'étais qu'un "bout de viande" le jour où il m'a donnée à son fils. Ce jour là, je n'ai plus eu de confession avec lui, plus de tête à tête, plus de dialogue... Enfant, certes il me violait de façons abominables et violentes mais cet aspect de ma "relation avec lui" était cachée à certaines de mes parties. J'avais tout cloisonné pour survivre. Mes parties qui connaissaient l'homme doux, gentils qui faisait des compliments, encourageait, donnait des cadeaux, des passes droits, écoutait, comprenait, questionnait... et d'autres parties dont je n'avais pas conscience qui vivaient les moments avec l'homme violent, celui qui torture et viole, celui qui vend à des étrangers, celui qui menace... C'était comme si je vivais 2 vies sur 2 planètes différentes.
Avec mon père, lorsque les viols ont eu lieu (la plupart du temps le midi), il n'a pas été menaçant sur le moment même. Il était doux, tendre, me murmurait des mots doux, me caressait... Mais sa violence était bien là, le soir quand je rentrais de l'école. Il était violent à table avec ma mère, le soir avant que je me couche. Il l'insultait, la traitait de pute, il disait qu'il avait des besoins et qu'elle ne les satisfaisait pas, l'accusait de le tromper... C'était de la violence dirigée contre ma mère mais aussi contre moi. Il me montrait qu'il était tout puissant, qu'il pouvait condamner ma mère, je voyais qu'elle ne disait rien, ne se défendait pas. Pour protéger ma mère, je devais "satisfaire ses besoins" où la violence contre ma mère serait encore plus virulente... Je pensais que je devais la protéger, ma mère si fragile, si vulnérable, si douce... Ma mère que j'aimais.
Tout est sali, perverti. La notion d'aimer et être aimée est pervertie. La relation à l'autre est pervertie. Comme ce podcast le dit, on sort du viol, de l'inceste le corps, l'esprit en ruine.
Des choses sont mortes en nous, des possibilités que nous ne serons jamais, de vivrons jamais. Du temps perdu à se battre, se reconstruire, guérir. Des études foutues en l'air car occupé à survivre. Un rapport à l'autre qui restera toujours marqué par une ombre qui planera au-dessus de nous...
L'espoir existe, la guérison est possible, je le sais, j'y crois. Mais quel combat !
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