Je n'ai pas écrit sur ce que je vivais au quotidien depuis quelques temps maintenant...
Mes parties et moi, nous avons su nous mettre dans une bulle de sécurité ces dernières semaines et nous concentrer sur l'essentiel : assumer et gérer mon quotidien de l'ici et maintenant et tout faire pour que je puisse continuer à travailler sans m'effondrer.
Avec ma psy, nous avons pris le temps de "traiter" les conflits générés par le reconfinement, remettre de la sécurité, écouter mes parties en colère ou effrayées...
Nous avons un peu mis en "standby" les discussions autour de mes souvenirs traumatiques et les explications sur les mensonges de mes violeurs et les "fausses croyances" que certaines de mes parties ont encore sur eux et nous venons tout juste de reprendre ces discussions.
J'avais l'espoir il y a quelques semaines de pouvoir laisser dans certaines circonstances mes parties s'exprimer à leur guise dans mon quotidien. Depuis très longtemps, je contrôle ce que je dis et montre aux autres. Une personne non informée de mon histoire ou en qui je n'ai pas une totale confiance ne verra jamais que j'ai un TDI. J'ai toujours réussi à le cacher et le camoufler. Mais il s'avère que finalement ce que mes parties espéraient n'est pas réalisable...
Au travail par exemple, je ne peux pas travailler et être une petite fille qui pleure et a peur, être en colère et râler, être tétanisée et professionnelle...
Pendant tout le mois de novembre, avec ce reconfinement, mon patron a dû faire face à des difficultés et a eu besoin de moi en tant qu'adulte, sûre de moi, efficace...
Cela fait donc un mois que je suis dans le contrôle au travail pour camoufler ce que je vie intérieurement.
C'est vraiment, vraiment épuisant pour moi !
J'espérais pouvoir laisser mes parties petites venir lorsqu'elles angoissaient pour qu'elles parlent à mon patron et qu'il m'aide à les rassurer et leur montrer mes capacités d'adulte, qu'elles puissent confronter leurs croyances erronées sur les papiers et les dangers que cela représente dans mon présent. Certaines de mes parties petites croient que "faire les papiers" va nous tuer, va mettre mon patron en prison ou va faire que je souffre et soit torturée. J'avais l'espoir de pouvoir lui expliquer cela et qu'il devienne un "aidant" de mon quotidien pour modifier mes croyances et apaiser mes crises d'angoisses.
Le reconfinement a mis à mal ce projet. J'avais alors soit le choix d'arrêter de travailler et plonger dans le chaos de mes conflits intérieurs soit accepter que ce projet ne soit pas réalisable dans mon quotidien de femme adulte et continuer malgré tout à travailler et trouver d'autres solutions pour que mes parties petites s'apaisent et changent leur vision du monde et leurs croyances.
C'est vraiment dommage car je suis persuadée que si les personnes comme moi avaient la possibilité d'avoir un entourage (amis, famille, patron, professionnels de la santé...) qui comprenne notre fonctionnement et sache nous écouter et parler à nos parties dissociatives, nous pourrions "guérir" beaucoup plus vite !
Ce qui fait perdurer notre dissociation et notre cloisonnement est la phobie des parties dissociatives et des souvenirs traumatiques, la peur de souffrir... Mais pour pouvoir ne plus en avoir peur, il nous faut apprendre à partager notre quotidien, vivre les choses ensemble et non plus venir au "premier plan", "prendre le contrôle du corps" chacune notre tour sans garder en mémoire ce que chaque partie dissociative a vécu ou vie dans le présent. Il nous faut apprendre à nous connaître, nous comprendre, confronter nos points de vues, nos croyances, nos objectifs dans notre vie quotidienne et accepter d'analyser le rôle de chacune de mes parties dissociatives dans ma vie. Je dois voir ce qui m'est utile et ce qui ne l'est plus en terme de manière d'agir et d'opinion dans mon présent.
A présent, je suis une adulte, une maman, j'ai un travail, un appartement. Je ne suis plus une petite fille violée au quotidien, constamment en danger de mort et de torture, prisonnière d'une secte.
Certaines de mes parties me sont utiles dans ma vie d'adulte, d'autres ont encore des objectifs de sauvegardes et des mécanismes de survies qui ne sont plus adaptés à ma vie d'adulte.
Dans un monde idéale, j'aimerais être reconnue comme handicapée. Cela rendrait visible mes blessures. Ce serait une reconnaissance officielle de tout ce que j'ai vécu et me permettrait de lâcher ce contrôle incessant et épuisant que je dois faire depuis toujours pour "paraître normale". Vous ne pouvez pas imaginer à quel point c'est dure au quotidien d'avoir ces trous de mémoires, ces crises d'angoisses, d'entendre ce brouhaha intérieur de pleures et de cris... Le problème est que les gens ont tendance ensuite à "enfermer" les malades mentaux dans des croyances stéréotypées, mettre les gens dans des "boites"...
Je suis petite perdue, je suis colère froide, je suis peur immense, je suis tétanisée et soumise mais je suis aussi très intelligente, capable de comprendre des concepts très rapidement, me passionner pour pleins de sujets en même temps, très efficace en terme de charge de travail... Je suis l'un ET l'autre. Et les gens en générale ont du mal à comprendre cela !
Mon patron est très compréhensif, me fait confiance et comprend ces dualités en moi sans me réduire à mes peurs et mes faiblesses. Il voit mes qualités et mes forces en moi et a accepté de me faire confiance et de me confier des tâches importantes dans son entreprise. Mais cela n'empêche pas qu'il ait des obligations de rendements et de qualité de travail que je dois remplir pour être rentable dans le maintient de mon poste vis à vis de lui...
Donc, depuis un mois, pas de partage de temps au travail contrairement à ce que mes parties et moi avions espéré. Seules mes parties adultes viennent lorsque je suis au travail. Je fais beaucoup d'heures et le soir je suis trop épuisée pour prendre vraiment du temps pour mes autres parties. Je n'ai donc que le week-end pour relâcher mon contrôle et les laisser s'exprimer.
Mes week-end depuis 1 mois sont assez compliqués ! Le samedi, je suis envahie par beaucoup de conflits, mes parties expriment leur mécontentement et évacuent leur trop plein.
Puis le dimanche, progressivement, je retrouve pied, je m'occupe des courses, du ménage... Je commence à préparer psychologiquement mes parties à la semaine à venir.
Et le lundi arrive et mes parties adultes reprennent leur rôle...
Je suis vraiment épuisée par ce fonctionnement ! C'est très très frustrant pour moi !
Je ressens beaucoup de colère car encore une fois c'est à moi de m'adapter, à moi de me contenter du peu de soutien que l'on accepte de me laisser. Des miettes, des bribes...
Encore une fois on me demande de "jouer un rôle", taire mes pensées et mes ressentis...
Encore une fois on me demande de nier ce que je suis, mon histoire, ma personnalité...
Encore une fois on me demande de sourire et faire semblant...
Et j'en ai ma claque !!!!
J'ai le droit d'être "moi", tous mes "moi" deux heures par semaines, en séances avec ma psy. Quelques minutes par textos avec ma sœur ou quelques minutes au téléphone avec elle... Le reste du temps, je dois gérer, contrôler, cacher...
Pourtant ce n'est pas faute d'essayer de trouver d'autres alliés !
J'ai essayé de partager, d'expliquer à mon entourage mais ils restent silencieux et absents...
J'en ai ma claque des injonctions de cette société à me taire, à m'invisibiliser !!
J'en ai ma claque des regards détournés, des pas qui s'éloignent, des silences...
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