Je n'arrive pas à retrouver un équilibre dans mon quotidien. Je me sens en danger. En danger permanent.
Non seulement certaines choses réactivent mes souvenirs traumatiques et me font replonger dans les traumatismes que j'ai vécu dans mon enfance dans la secte dans laquelle j'ai grandis. Mais en plus des choses "réelles" dans mon présent me réactivent pour de bonnes raisons. J'entends par là que ce que je perçois comme dangereux dans mon présent, ce qui l'est réellement.
Pour aller mieux dans mon présent, il faut que j'apprenne, que mes parties dissociatives apprennent à différencier passé et présent. Qu'elles fassent l'apprentissage que toutes leurs prédictions, leur mode de pensé peut être différent dans le présent.
Par exemple, qu'un lien d'amitié peut perdurer. Que se livrer, se montrer vulnérable, créer des liens d'affection... ne se terminera pas systématiquement en trahison, en blessure, en abandon...
Ou que dans mon présent, les gens ne chercherons pas inévitablement à me manipuler, se servir de mes failles et mes faiblesse, m'enrôler dans une secte, contrôler mon esprit...
Je trouve qu'actuellement, dans le système de soin français, il y a d'énorme dérives. Tout me met en alerte et cela ne m'aide pas à retrouver de la stabilité, à recréer un lien thérapeutique avec la psychiatre qui me suis actuellement, à accepter de refaire confiance...
Je trouve que la crise du covid a exacerbé cela. J'ai l'impression de ne voir que des dérives. Des dérives sectaires, des dérives dangereuses qui se servent de la peur des gens, de leurs blessures, de leurs failles et cela ne m'encourage pas à retrouver et renouer un lien thérapeutique sain qui me permettrait de retrouver un équilibre interne et dans mon quotidien.
Cela exacerbe ma colère, ma rage contre ces personnes qui sont sensée aider les autres et font des choix d'orientation de soin qui me semblent graves et dangereux!
Cela exacerbe mon désespoir et ma vision du monde pessimiste car je n'arrive pas à retrouver un soin thérapeutique qui me convienne et me permette d'espérer en l'avenir, en mon mieux-être.
Cela exacerbe mes conflits internes entre mes parties dissociatives qui luttent pour savoir ce que nous devons faire.
Il y a des luttes internes entre celles qui veulent retrouver cette entente et cette collaboration que nous avions réussi à mettre en place et celles qui refusent d'y parvenir à nouveau car c'est suite à cette entente que nous nous sommes retrouvées dans cette situation si difficile et conflictuelle actuellement.
Il y a de la haine interne contre mes parties contrôles et toutes celles qui ont accepté et poussé toutes mes parties dissociatives à se montrer, faire confiance. Actuellement, nous ne collaborons plus, nous ne dialoguons plus. Nous nous en voulons mutuellement de nous être mis dans cette situation de vulnérabilité, de faiblesse qui nous a mise en danger.
Nous éprouvons de la honte, de la culpabilité d'avoir eu ce besoin de lien. Sans lien, nous ne souffririons pas autan, nous ne serions pas si vulnérable et bouleversée actuellement.
Des parties cherchent à ce que nous nous éloignions de tous liens avec les gens. J'ai des moments dans mon quotidien où je n'éprouve plus rien pour les gens qui m'entourent. Je suis froide, indifférente. Je cherche à éloigner les gens de moi. Et je pense qu'ainsi je ne souffrirai plus. Sans dépendance affective, personne ne peut nous blesser, personne ne peut nous trahir, personne ne peut nous atteindre.
J'ai également encore beaucoup de moments où je suis très désespérée. Je ne vois aucun espoir, aucun échappatoire, aucun avenir pour moi. Et des pensées suicidaires me traversent. Cela persiste malgré les antidépresseurs que je prends. Je ne parviens plus à faire confiance au système de soin, je ne vois donc pas comment je vais pouvoir "guérir". Et les conflits omniprésents en moi sont épuisants et très très douloureux au quotidien. Je ne vois pas comment échapper à cette souffrance physique et morale que je ressens chaque jours et chaque nuit non stop. Certaines parties voudraient y mettre un terme. Ne plus souffrir, ne plus ressentir. Il n'y a pas de solution. Pas d'espoir. Pas d'échappatoire.
Pour contrer ces pensées de mort, d'autres parties voient la fuite comme une solution alternative. Elles se disent que si on fuit, si on abandonne tout et qu'on part très loin, on pourra retrouver un équilibre et du calme. Je lis beaucoup de choses sur la construction d'une "tinyhouse" (une toute petite maison que l'on peut tracter avec sa voiture) et certaines de mes parties veulent que nous fassions cela. Nous serions ainsi libre, libre de partir n'importe où, n'importe quand. Et nous resterions en sécurité, nous ne serions pas à la rue, nous aurions un chez-nous malgré tout. Nous serions en sécurité, quoi qu'il se passe, où que nous soyons.
Mais j'ai deux filles et je suis en garde alternée avec leur papa. Je ne peux donc pas partir, fuir...
Intérieurement, j'ai de gros conflits à ce sujet. Certaines parties qui veulent se détacher de mes filles, les considèrent comme des "boulets" et cherchent à ce que je n'ai plus rien qui m'attache, m'entrave et que leur solution de fuite soit mise en action. Et des parties qui refusent cela et tentent d'expliquer et faire comprendre que ce n'est pas possible, que mes filles ont besoin de moi. Des parties qui pleurent et souffrent et en veulent à celles qui réfutent le lien maternel, les obligations que j'ai en tant que parent et l'amour que j'éprouve pour mes filles. Je suis constamment envahie par des ressentis contradictoires et c'est épuisant !!
Comprenez moi bien ! J'adore mes filles et j'ai toujours tout fait pour les protéger, leur apporter sécurité, amour et bien-être ! Elles ont toujours été ma priorité et c'est toujours le cas ! Mais il n'empêche que intérieurement je sois envahie par ces pensées contradictoires et ces batailles. Comme pour tout parent j'imagine... On adore ses enfants, on serait prêt à tout faire pour eux mais parfois, ils nous énervent, ils nous épuisent et on est traversé par des pensées ambivalentes à leur égard. On aimerait pouvoir avoir plus de temps libre, moins s'inquiéter pour eux, avoir du temps pour prendre soin de nous... Ressentir cela ne fait pas de nous des "mauvais parents" mais juste des gens normaux... Etre parent, c'est difficile, éprouvant, merveilleux, magique, épuisant... Pour moi, c'est pareil. Sauf que ces sentiments sont exacerbés, scindés. Je n'éprouve pas de l'épuisement et en même temps de la gratitude et de l'amour. Tout est dissocié chez moi. J'ai des parties dissociatives qui ne se considèrent pas mère ! A des moments, je n'ai aucun souvenir de maternité. Comment pourrais je être mère puisque à ce moment là je pense avoir 3 ans ou 8 ans...? Un enfant ne peut pas être mère ! Et je réfute, je refuse cette responsabilité. Parfois, je suis une ado, une ado égoïste qui "n'en a rien à battre" et qui considère que mes filles n'ont qu'à se débrouiller. Je me suis bien débrouillée pour survivre moi alors pourquoi ne le pourraient elles pas ? Et je ressens de la colère, j'en veux à mes filles parce qu'elles m'empêchent d'être libre, de fuir, de me suicider... Je les considèrent comme responsables.
Je vous explique tout cela non pas pour que vous me jugiez et me condamniez. Je considère que je suis une "bonne mère". Je fais tout pour que mes filles ne sachent pas, ne sentent pas ces pensées et envies ambivalentes que je ressens. J'ai toujours contrôlé mon monde intérieur et je ne le laisse "s'exprimer " à "l'extérieur" que lorsque c'est possible et que cela ne me mettra pas en danger ni ne fera de mal à mes proches. Je vous explique cela pour que vous compreniez mieux à quel point c'est éprouvant d'avoir un trouble dissociatif de l'identité. A quel point ce qu'on ressent est scindé, exacerbé et douloureux. A quel point il peut y avoir des "guerres internes" qui bouffent mon quotidien ! Je ressens de l'amour puis juste après de la colère puis après de la tristesse, puis de la honte puis de la colère... C'est constant. Je suis comme une girouette. Je ne sais pas qui je suis, ce que j'éprouve... C'est épuisant et très douloureux et effrayant, déstabilisant !
Il faut que je retrouve un équilibre. Un équilibre, un sentiment de sécurité dans mon quotidien. J'en suis consciente.
Mais comment faire quand partout autour on ne voit que menace ?
J'ai toujours eu des parties qui comme des bulldozers, peut importe les échecs étaient persuadées que nous trouverions l'aide thérapeutique dont nous avions besoin. A présent cette croyance, cette conviction a été ébranlée.
Comment faire quand le système de soin est majoritairement d'orientation psychanalytique ? Comment faire quand certains professionnels qui connaissent et reconnaissent les conséquences des traumas proposent des soins qui dérivent majoritairement grandement vers des dérives sectaires ou en tout cas ce que je perçois comme tel ? Comment faire quand les praticiens des thérapies cognitivo comportementales pensent majoritairement que la thèse des "faux souvenirs" est la seule explication au TDI ?
Quelle solution ai-je ? Quel espoir ai-je?
Je n'ai pas deux parties dissociatives. J'en ai plein. Vraiment plein.
Et je ne parviens plus à les faire s'écouter. Je ne parviens plus à remettre le calme. Il n'y a plus de vote, de réunion, de concertation, de prise de décision commune.
Nous sommes en guerre. En guerre pour notre survie.
Et nous ne sommes pas d'accord sur ce qui nous permettra de le faire.
Kommentare