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18/04/2022 Emission Sophie Robert

Dernière mise à jour : 24 avr. 2022

Cela fait un très long moment que je n'ai pas écrit. Non pas que je n'avais rien à raconter mais que ce que je vivais et qui me bouleversait ne pouvait pas vraiment être expliqué et décrit ici tant que cela n'avait pas eu lieu...


Le 8 avril 2022, j'ai participé à une émission filmée avec Sophie Robert en compagnie de psychiatres et psychologues. C'est un SACRE pas en avant, une énorme VICTOIRE pour moi !!!!


Vous pourrez retrouver d'ici peu ces émissions sur la chaîne de Sophie Robert : Dragon Bleu TV

Voici le topic extrait de l'annonce faite par Sophie Robert :

"En prélude à une nouvelle série de cinq émissions de plateau dédiées aux troubles du stress post traumatique, incluant dix nouveaux psys, j'ai eu le privilège de rencontrer trois femmes exceptionnelles, pour cette nouvelle émission dédiée au Trouble Dissociatif de l’Identité. Quel est l'impact des maltraitances et violences sexuelles répétées sur un cerveau en développement? Pour répondre à cette question, Dre Coraline Hingray est psychiatre au CHRU de Nancy, spécialiste du psychotrauma ; Eléonore Tarlet, est psychologue psychothérapeute et superviseur TCC – EMDR, et Maïlé Onfray, rescapée de l’enfer d’une secte catholique du renouveau charismatique, souffrant d’un TDI. Vous pourrez découvrir le témoignage bouleversant de Maïlé dans une deuxième émission qui lui est entièrement consacrée. Le TDI est actuellement l’objet d’une mode sur les réseaux sociaux qui contribue à renforcer les stéréotypes et l’incrédulité sur cette maladie bien réelle. A des années lumières de ce discours pseudo glamour ou « fantastique » Maïlé nous parlera de son vécu avec une acuité lumineuse : oui il y a de la lumière au bout du tunnel. Faire un bout de chemin en sa compagnie est un privilège rare. Toutes trois ont incarné ce sujet difficile avec une intelligence percutante et réparatrice."


Participer à cette émission a été une très longue préparation interne pour moi !!! Un travail interne qui a débuté fin 2020 où j'ai commencé à me dire qu'il serait temps que je témoigne publiquement et qu'au lieu de me cacher derrière l'anonymat de ce site, je devrais comme l'ont fait tant d'autres avant moi, parler et faire entendre ma voix de façon plus authentique et plus "palpable". C'est le courage d'autres avant moi qui m'a poussé, encouragé, permis de me dépasser pour en arriver là aujourd'hui. Des gens que j'admire et estime comme Jeni Haynes, Caroline Spring, Olga Trujillo, Régina Louf... qui elles aussi ont un TDI comme moi. Ou des personnes en France qui n'ont pas hésité à s'exposer pour faire évoluer les lois, la société sur la cause de la protection de l'enfance comme Jean-Baptiste Cazeneuve, Mié Kohiyama, Andréa Bescond, Docteur Muriel Salmona, François Devaux, Flavie Flament, Lyes Louffok, Maud Julien, Adélaïde Bon, Sarah Suco, Menahem avec Yolande Zauberman, Amoreena Winkler, Sébastien Boueilh, Jade Miller... Et tant d'autres...


Il y a maintenant à peu près 5 ans que le diagnostic de trouble dissociatif de l'identité a été posé pour moi. TDI. Ce fût un soulagement et un tsunami. Soulagement car enfin j'avais des clés pour comprendre mon vécu, mes réactions, mes difficultés, mes batailles internes.... Et tsunami car une psychologue et une psychiatre me croyaient, nous voyaient et nous entendaient enfin, mais cela rendait tous ces flashbacks, cette souffrance, ces douleurs, ces terreurs bien réelles...! Je n'étais pas folle. Un mélange de soulagement et d'horreur absolue...


Mon père est décédé il y a 6 ans. Sa mort a été le début de ma descente aux enfer. Par sa mort, son injonction au silence pour moi s'est rompue. Et tout a explosé... Les bribes de souvenirs, les odeurs, les sensations... Petits à petits ces flashs qui m'assaillaient ont pris du sens et j'ai pu au fur et à mesure en raccrocher certains à des lieux, des périodes alors qu'au départ ce n'était que une odeur puante et obsédante que je sentais partout, couchée dans mon lit et sentir le poids d'un corps qui m'escalade et m'écrase, la pointe d'un couteau sous mon sein droit, la tête de deux chiens derrière mon crâne... Puis d'autres choses sont revenues... le souvenir s'agrandissait. Mon père au dessus de moi qui m'éjacule sur le visage et m'essuie avec ce mouchoir puant en tissu tout en me murmurant "ma petite chérie". Les chiens et les cages, le choque des cages en métal quand je devais grimper dessus pour fuir les chiens, ma joue dans l'herbe et la boue, le couteau et l'homme qui me menace disant qu'il pourrait me tuer si je ne lui obéissais pas et tuer mes parents et ma famille comme le cambrioleur qui était entré chez nous un peu avant. La chambre où je me trouvais quand l'homme venait en pleine nuit et m'escaladait... et tant d'autres souvenirs plus ou moins complet...


Me préparer à témoigner n'a pas été simple ! Lorsque mes souvenirs ont commencé à refaire surface, j'étais dans une rage et une colère folle !!! Je voulais dire ! Tout! A tout le monde ! Je commençais à appeler ma famille, parler à mes amis, écrire sur des forums, sur les réseaux sociaux... Puis à peine l'avais je fait que j'étais envahie par des douleurs incommensurables ! J'étais à terre, roulée en boule, à vomir, hurler de douleur et de terreur. J'avais l'impression de mourir. Je mourrais! C'était ce que mon corps me disait. Prise de terreur, je supprimais et effaçais tout ce que j'avais écrit, je niais. Non c'est faux. On ne m'a rien fait. Tout cela n'est jamais arrivé. Je vais bien. Mon enfance était parfaite.


Puis à nouveau cela explosait. J'étais dans un combat avec mon corps, un combat à mort. Sentir toutes ces choses, avoir ces flashs d'images, entendre ces paroles de voix que je reconnaissaient comme celles de personnes avec qui j'avais grandis, sentir ces mains qui me frappaient, me serraient, ces ongles qui s'enfonçaient dans ma chair.... Je n'avais pas le choix. Je ne contrôlais pas. C'était comme être emmenée de force, attachée dans un train de torture dont la destination était la souffrance et la mort. Pas de retour en arrière. Peu ou pas de pauses. Le train avançait et je devais encaisser et supporter.


Tout ces moments, je les vivais quand j'étais seule chez moi. Sans spectateurs. Sans témoins. Lorsque mes filles étaient absentes. Comme si mon corps et mon cerveau d'un commun accord s'étaient dit on peut lâcher, la voie est libre...


Petit à petit, grâce à ma psychologue et ma psychiatre j'ai pu instaurer un dialogue interne, comprendre comment je fonctionnais, qu'est ce qui déclenchait cette explosion de flashbacks... J'ai appris à m'écouter, écouter les voix dans ma tête, prendre conscience des ressentis dans mon corps, anticiper les moments difficiles, prendre soin de moi.... J'ai fini par comprendre que refuser d'écouter l'une de mes parties dissociatives, refuser de ressentir la souffrance, la colère, la tristesse ou le désaccord qu'elles avaient avec ce que je faisais, disais ou vivais menait inévitablement à une explosion de douleur et de terreur, un empêchement, un blocage. J'ai fini par apprendre à écouter les différents sentiments et émotions qui cohabitaient en moi et les prendre en compte. J'ai fini par accepter le fait que j'avais différentes opinions, volontés, objectifs et croyances en moi et que si je voulais être libre d'agir, faire, je devais les prendre en compte et accepter des compromis. Ce n'est pas encore parfait. On ne trouve pas toujours des compromis. On a encore souvent des moments de conflits et de désaccords, des moments où on refuse de s'écouter, des moments emplis de douleurs et de terreurs... On a encore des moments où on voudrait que tout cela n'existe pas, qu'on n'ait pas de TDI. On a encore des moments où on se dit qu'on est une belle personne, qu'on était une gentille fille et que normalement les belles personnes et les gentilles filles personne ne leur fait du mal, que ces filles là, elles sont aimées, protégées... Des moments où on se dit que la secte dans laquelle on a grandi, le gourou étaient admirés, aimés. Ils faisaient "le bien", ils "sauvaient" la société, ils "accomplissaient "l'œuvre de Dieu", c'était des "hommes de biens"... Le gourou disait que j'étais sa "fille adoptive", le moine disait que j'étais sa "fille de cœur", mon père parfois a dit qu'il était "fier de moi".... Est-ce qu'on dit ça à quelqu'un qu'on viol et maltraite? Est-ce que c'est possible ? Et les adultes autour ? Ils se sacrifiaient, donnaient leur vie pour la secte. Est-ce qu'on obéit à ce point à quelqu'un qui fait le mal?


J'étais constamment tiraillée. Je suis folle, ce n'est pas possible. Pourquoi je ressens tout ça ? Je ne peux pas inventer tout ça ! Pourquoi j'inventerais tout ça? Pourquoi mon corps et mon esprit m'infligeraient toute cette souffrance si ce n'est pas vrai ?


Il y a environ deux ans , j'ai commencé à réfléchir à comment témoigner de ce que j'avais vécu mais en faisant des "compromis" avec mes parties dissociatives terrorisées par le fait de dire. J'ai créé ce site de manière anonyme. Je pouvais ainsi m'exprimer sans être terrassée par la terreur et les douleurs. Cela m'a permis d'expérimenter le fait que "dire" ne me tue pas. Que dire est un droit. Que dire ne signifiait pas que j'allais être tuée, que ma famille allait être tuée...


Puis, j'ai écouté le témoignage de Jeni Haynes. A ce moment là, tout le monde parlait du trouble de stress post traumatique, de la dissociation, de l'amnésie "traumatique" (dissociative). Mais pas un mot sur le TDI. J'avais l'impression d'être niée, mise de côté. Comme si le fait que j'ai un TDI m'excluait de la "cause metoo", qu'on refusait mon statut de victime à moi aussi. Le TDI semblait être un gros mot et j'avais l'impression qu'il était constamment associé dans la tête des gens aux concepts de faux souvenirs induits, de schizophrénie, de fausse maladie mentale, de mythomanie... J'avais l'impression d'être une pestiférée avec une maladie contagieuse qu'il ne faut surtout pas approcher. Comme si mon témoignage discréditerait celui de tous les autres... C'était très douloureux et cela me mettait beaucoup en colère ! Ca hurlait "Venez dans mon corps! Venez ! Vous verrez si j'invente, vous verrez à quel point c'est l'horreur!". J'essayais d'expliquer à mes proches, mes amis... J'en ai perdu beaucoup. Presque la totalité en réalité. Je me sentais très seule. Seule à hurler ma douleur et ma colère.


Puis des vidéos ont commencé à circuler sur le TDI sur internet. Je me suis dit : chouette ! Enfin on en parle ! Mais sans vouloir blesser qui que ce soit, ce qui y était décrit n'avait rien à voir avec mon quotidien. Rien à voir avec mon vécu. Rien à voir avec la souffrance immense à laquelle je dois faire face jours après jours. C'est devenu une sorte de "mode". Comme si avoir un TDI c'est fun, marrant et magique...


Le fait que j'ai un TDI n'a RIEN de fun, marrant ou magique. J'ai un TDI parce que depuis l'âge de mes deux ans et deux mois jusqu'à mes 18 ans on m'a violée, torturée et que j'ai grandi et suis née dans une secte et que l'éducation, l'environnement dans lequel j'ai du me construire était maltraitant, délétère et complètement fou et violent. Pour y survivre, mon cerveau a fait une chose merveilleuse et atroce : me séparer en plusieurs "moi". Des "moi" qui sont allés à l'école et ont pu apprendre, des "moi" qui subissaient les viols et violences, des "moi " qui obéissaient à la secte et aux violeurs, des "moi" qui nouaient des amitiés, des "moi" qui cherchaient de l'aide pour être protégé et fuir, des "moi" qui sont devenu maman et ont essayé du mieux qu'ils pouvaient de protéger leur filles, des "moi" qui portaient la souffrance et la tristesse, des "moi" qui portent la souffrance corporelle et physique, des "moi" qui analysent, surveillent et mettent en garde, des "moi" qui aiment, des "moi" qui testent pour voir si on peut faire confiance, des "moi" qui portent la haine et la colère pour ce qu'on m'a fait, des "moi" petits, des "moi" ados, des "moi" adultes, des "moi" mecs... C'est une chose merveilleuse parce que grâce à cela j'ai survécu, j'ai pu fuir la secte et me mettre en sécurité, j'ai pu et je peux apprendre, je peux aimer, je peux faire confiance, je peux assumer un travail et mon rôle de mère.... Et c'est une chose atroce car qu'y a-t 'il de pire que de devoir se couper de soi-même, être obligé de se morceler à ce point pour ne pas mourir ?

J'ai peur. J'ai peur que cette "mode" du TDI ne soit qu'un recul de plus pour les personnes comme moi. Une nouvelle façon de nous nier, nous refuser tout soin, toute aide, tout droit à la parole et la reconstruction... Alors j'ai décidé de témoigner pour dire ma souffrance, ma difficulté au jour le jour et ma colère aussi. Cette colère en moi d'avoir été invisible, déshumanisée, silenciée, non protégée pendant tant d'années.



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