Voici une vidéo que je vous partage.
Je l'ai écouté et je trouve la journaliste Charlotte Pudlowski très juste !
J'ai subi l'inceste de pleins de façons différentes.
Par mon père, celui à qui je dois mes gènes, ma naissance, mon géniteur.
Par le gourou, qui était mon père de plusieurs façons. Dans la secte, il était considéré comme "le père" de tous, un père spirituel, le patriarche qui guide et décide de tout, et il me disais que j'étais sa "fille adoptive". Vers 14 ans, il m'a retiré à la garde de mes parents pour que j'aille vivre chez lui à 500 km de chez mes parents et il signait mes bulletins de notes... Il se faisait appeler par un nom voulant dire "papa" dans un dialecte.
Des prêtres, des "pères spirituels", des accompagnateurs dans la foi, qui devaient absoudre mes pêchers, guider mon âme...
Dans ce podcast, Charlotte Pudlowski aborde ce sujet si taboue et complexe de l'inceste avec sa propre mère et Julie et Daniella deux victimes.
Elle pose la question : "Pourquoi un si long silence?" et explique que sa famille s'est construite sur le mythe de la famille parfaite.
Quand je réfléchie à mon histoire, l'histoire de ma famille, ce mythe est identique.
Dans la secte, mes parents étaient vues par les autres enfants comme des parents idéaux, l'une de mes meilleurs amies voulaient avoir mes parents comme parents et me l'a dit à de nombreuses reprises. Les adultes de la secte disaient qu'ils enviaient nos parents d'avoir de si beaux enfants, si doués... On nous faisait constamment des éloges.
Dans ma famille maternelle, la même image était véhiculée, nous étions parfaits, incroyables, chanceux, privilégiés...
Dans ma famille paternelle, nous avions des rapports tendus et compliqués. Loin d'eux, mon père les critiquait énormément, les rabaissait. Le gourou les diabolisait à nos yeux. Lorsque nous étions chez eux, nous jouions le rôle des parfaits, mal à l'aise, en colère, silencieux, distants...
La secte poussait à ce comportement constamment, c'était "culturel". Nous devions tous tendre vers la sainteté, la perfection, le don de soi, l'oublie de soi pour aider et aimer son prochain, se sacrifier. Les moindres gestes ou pensées du quotidien étaient décortiqués par le gourou et tous les adultes dans cet objectif.
Ensuite elle demande : "Pourquoi tu n'as rien dit ?" et explique le fait que l'inceste se déroule généralement de façon intergénérationnelle.
Dans ma famille, le silence et les secrets étaient de mise. J'ai su assez tard que mon père avait eu une première femme et d'autres enfants. C'était un secret et seul le gourou et quelques membres le savaient. J'ai aussi appris que mes parents avaient "fauté" pour m'avoir car dans la secte, pour pouvoir s'y engager, recevoir les sacrements lors des messes, ils devaient vivre comme des "frères et sœurs" et non plus avoir des relations intimes car ils étaient "divorcés-remariés" et c'était interdit par l'Eglise.
Ma naissance a donc commencé par des mensonges et des secrets, des fautes...
Du fait de ce secret, je ne sais pratiquement rien de l'histoire de mes parents ou de mes grands-parents. Mes parents n'en parlaient pas.
Récemment, j'ai parlé avec ma mère et elle m'a raconté des bribes de son enfance. Lorsqu'elle allait avec sa sœur chez son grand-père. Le fait qu'elles devaient se laver dans un baquet en fer devant la cheminée, nue et que son grand-père les regardait assis dans son fauteuil. Ses tentatives de fuites constantes car il cherchait toujours à les attraper et les mettre sur ses genoux pour les toucher. Une fois adolescente ou elle était dans un cinéma avec une amie et un homme avait cherché à la toucher pendant le film.
Comme la journaliste le pointe du doigt, je n'ai pas grandis dans une famille normale. Je n'ai pas été éduquée. Mon droit à la parole m'a été nié. J'ai très tôt appris à me taire et j'ai très vite compris que personne ne voudrait m'entendre.
J'aime ma mère. C'est une femme aimante et tendre. Je n'ai jamais manqué d'amour de sa part. Elle m'a souvent dit qu'elle m'aimait et je le lui ais souvent dit. Nous étions assez proche, parlions beaucoup, de tout, de rien.
Mais dès toute petite j'ai su que parler de viol ou de violence avec elle, ça, je ne le pouvais pas. Aujourd'hui, elle est là, elle m'accompagne et me soutient comme elle le peux. Encore une fois, elle me dit qu'elle m'aime, elle me dit qu'elle me croît aujourd'hui. Elle n'a pas nié comme certaines mères le font face à l'horreur de ces révélations. C'est la plus belle preuve d'amour qu'elle ait pu me faire !
Ma mère a des amnésies. Énormément. Depuis quelques temps, avec ma sœur, elles essayent de retrouver les faits, les dates... pour m'aider. Ma mère ne se souvient de rien ou presque.
Souvent cela me met en colère intérieurement. Je lui en veux de ne pas se souvenir, que mes révélations ne fassent pas "tilt" dans sa tête et qu'elle ne soit pas à même de corroborer ce que je dis.
Puis je pense à ma grand-mère maternelle. Une grand-mère très aimante elle aussi. J'étais "sa chouchoute", sa "préférée". Je n'ai jamais manqué d'amour de sa part non plus quand nous allions lui rendre visite. Je pouvais parler de tout et de rien avec elle.
Une fois, j'ai essayé de lui dire ce que je vivais. Je devais avoir 11 ou 12 ans. Elle m'a tout de suite coupé la parole et a dit ne rien vouloir savoir.
Je ne sais rien de sa vie. Je ne sais pas si son père, le grand-père de ma mère lui a fait quelque chose. Je ne le saurais jamais. Aujourd'hui ils sont mort tous les deux.
Mais je me dis que peut-être que cela vient de là ?
Ce silence, ce refus de voir et entendre même les signes les plus évident. Le parcours de ma mère, sa vie avec un mari violent, mon père. Le choix de vivre dans la secte...
Elle non plus n'avait pas appris.
"Le silence qui entoure l'inceste empêche de voir son ampleur".
C'est bien vrai !
Lorsque j'ai révélé l'inceste que j'avais subi et les viols que l'on m'a fait à ma famille, beaucoup n'ont rien dit, rien répondu. Je n'ai aucun contacts avec eux. La sœur de mon père, son frère...
Moi, ce qui a libéré ma parole, c'est la mort de mon père et le suicide de mon frère. La mort de mon frère a réveillé un grand hurlement en moi et la mort de mon père a permis que ce cri puisse s'échapper de mes lèvres.
J'ai subi l'inceste, c'est mon histoire mais je ne me suis pas mal comportée.
Mon droit c'est de parler. Je ne me tairais plus.
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