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Photo du rédacteurLeelah

11/09/2021 Propranolol

Depuis quelques semaines, je suis sous traitement avec du propranolol. (Voir mon post sur le protocole d'Alain Brunet publié précédemment pour l'explication).


Je prends ce médicament une heure trente avant les séances avec ma psychiatre ou la psychiatre du centre de psychotrauma. Et j'ai un suivi avec un cardiologue pour voir si mon cœur le supporte bien.


Cela fait deux séances où je sens vraiment une différence. Lorsque j'arrive, ma psychiatre me propose de m'enrouler dans une couverture. Ce que je fais. Puis nous parlons pendant 1 heure 30.

Jusqu'à il y a peu, j'étais encore beaucoup dans la méfiance vis à vis d'elle. Beaucoup de mes parties dissociatives sont encore très blessées et en colère envers le système de soin. On se méfiait donc et beaucoup refusaient de venir au "premier plan" et parler avec ma psychiatre. La confiance semble s'installer petit à petit. Plusieurs choses ont permis cela.


Tout d'abord, ce qui m'aide beaucoup est que ma psychiatre m'a laissé le temps de décider si je souhaitais ou non prendre ce traitement au propranolol. Ensuite, elle ne s'est pas offusquée ou blessée lorsque j'ai parlé d'un suivi autre que je souhaitais entamer au centre de psychotrauma. Elle m'y a même encouragée. Nous avons convenu ensemble, que le côté "trauma" serait géré par elle et que le centre de psychotrauma m'aiderait plus sur le côté TOC et phobies. Elle comprend ma peur de ne "dépendre" que d'une personne, ma peur d'un lien trop fort ou qui dépasse les limites. Et elle me permet de trouver les gardes fous dont j'ai besoin pour me sentir à nouveau en sécurité. Elle me rappelle régulièrement le cadre dans lequel nous travaillons, ce qu'elle peut faire et ce qu'elle ne fera jamais. Cela m'aide beaucoup et me rassure. J'ai pu "tester" à plusieurs reprises sa "fiabilité" et si elle me laissait vraiment libre et décideuse dans le soin que je reçois d'elle. Elle me rappelle très souvent qu'elle est imparfaite, qu'elle ne sait pas tout, qu'elle peut se tromper... Et elle est franche sur les connaissances qu'elle a et ses limites. Tout cela me rassure et me permet de retrouver de la confiance.


Après concernant l'effet du médicament, l'impression que j'ai est d'être un peu comme dans du coton, très calme, très posée...


Lors de ces deux séances vraiment significatives, nous avons parlé de plusieurs viols que j'ai subi. Ce qui est assez dingue est la différence entre ces séances et les autres moments où j'en ai parlé auparavant.


D'habitude, lorsque je parle, ma respiration devient hachée ou se stop, je suis envahie par des émotions de peur, d'angoisse, de terreur... Dire revient souvent à être transpercée par des lames dans tout mon corps. Je souffre. Vraiment ! De plus, lorsque je raconte, lorsque mes parties dissociatives racontent, j'ai l'impression d'être comme prise dans un tunnel, ma vision, mon champ de vision est comme rétréci et c'est comme si le souvenir se superposait au réel, et je ne suis plus capable de faire la différence entre passé et présent. Je sens dans ma chaire ce qu'on m'a fait, je ressens les mêmes émotions que j'ai ressenti à l'époque et je suis en panique... je vais mourir...


Ces fois ci, c'était différent, vraiment très différent et assez déroutant ! Je me mets à parler, mon corps se tend dans l'attente de la vague de panique et de douleur... et ... rien ! Le calme. Un calme incroyable et inconnu.


La première fois j'étais inquiète. C'est comme si il me manquait quelque chose. Comme si d'un coup mes souvenirs devenaient moins réels et certaines parties se sont inquiétées de ce manque. Est ce qu'on va tout oublier, si on ne souffre plus peut être que mon cerveau va se protéger et multiplier les amnésies ? On est tellement "habituée" à cette souffrance qui est comme un rappel constant de ce qu'on a vécu, une façon de nous "forcer" à nous rappeler quand on lutte en permanence pour "oublier", "nier", faire comme si tout cela n'avait jamais existé... Des parties ont eu peur que leur souffrance, tout ce qu'elles ont a dire soit à nouveau nié et mis de côté si cette souffrance ne venait plus rappeler leur existence... Est ce qu'on va nous croire si il n'y a plus cette souffrance horrible ? Si on n'a plus cette souffrance atroce qui fait de ces événements des actes bien réels et qu'on ne peut pas nier, est ce que les gens vont continuer à nous croire ? J'avais l'impression désagréable qu'il me manquait quelque chose, d'être comme amputée... En rentrant chez moi, alors que nous avions parlé pendant 1 heure 30 avec précision d'événements particulièrement douloureux, je me sentais légère. J'ai repris 1/2 cachet le soir sur les conseils de ma psychiatre et j'ai dormi comme rarement j'ai pu le faire !


Puis le lendemain, petit à petit, j'ai pris conscience de ce qu'il s'était passé. J'entendais des hurlements de joies de certaines parties... "ça marche", "on souffre moins"... Et me rendre compte aussi que j'avais pu décrire plus précisément les lieux où cela s'était passé, des détails qui ont toujours été là dans mes souvenirs mais que j'étais incapable de verbaliser et décrire car trop focalisée sur la douleur et la souffrance... Je sens une différence aussi dans mon quotidien depuis quelques jours. Le bordel permanent semble se calmer. Du dialogue interne reprend. Au travail, mes crises d'angoisses sont un peu moins fortes. Je ne suis plus obsédée dans mes journées par le fait de trouver une solution de fuite (mon projet de tiny). J'ai pu discuter avec mon copain, lui exprimer mes craintes et besoins et il a été formidable ! Très rassurant, dans le non jugement. Tout cela m'aide énormément à retrouver de la sécurité dans mon quotidien.


Ce que je remarque aussi est que les conflits entre mes parties dissociatives semblent moins violents. Par exemple, j'ai une partie dissociative qui est venue et a dit que le gourou était le "messager de Dieu", que Dieu l'écoutait et que si nous nous opposions, à sa demande Dieu nous punirait. Immédiatement après une autre partie est venue et je me suis violemment frappé la cuisse, de rage et de colère. Putain de partie débile qui croit encore en ses conneries ! C'est pas moi ! C'est pas moi ! Je ne crois plus à ces conneries moi !!! Il m'arrivait souvent de réagir ainsi par le passé mais les parties en colère contre ses croyances du passé refusaient d'écouter, de discuter véritablement. Et généralement, les jours qui suivent j'étais très mal, entendant des conflits internes, des paroles de reproche, des pleurs... Comme si cette partie en colère exprimait intérieurement sa rage intérieurement et cherchait à me punir, à punir cette partie croyant et véhiculant encore les paroles du violeur... Cette fois ci, elle a écouté et il n'y a pas eu de bagarre interne ni de "punition" après coup. Le calme.


Bon à la deuxième séance, je suis un peu partie dans tous les sens... J'avais trop à dire et j'ai l'impression que beaucoup de parties voulaient venir raconter pour voir ce que cela faisait de ne pas souffrir en disant...


Je sens aussi encore des blocages de certaines parties dissociatives. "Est ce que le propanolol ça va faire qu'on sent pas dans le corps ce qui nous a fait ? Est ce que on va quand même sentir quand y fait mal ?"

"J'ai peur ! J'ai peur que si elle elle dit on soit sale pour toujours" "Si elle dit, ce sera vraiment arrivé, on sera vraiment salie, pour toujours" "je suis pas sûre de vouloir avoir les images, j'ai peur que tout soit trop noire après, qu'on puisse plus jamais voir de la lumière si elle dit"... "Tant qu'on n'a pas les images, qu'elle dit pas, c'est comme si c'était pas arrivé... Après, si elle dit, on pourra plus faire semblant que rien nous est arrivé"... "J'ai peur ! Je veux pas ! Pas encore !"


On avance donc tout doucement avec ma psychiatre. Dès que l'une de ces parties dissociatives vient et exprime ses réticences on l'écoute et on tente de la rassurer. Ma psychiatre reste humble. Elle m'explique qu'elle ne sait pas comment je réagirai, elle ne sait pas si je sentirai ou non les pénétrations et les actes de tortures mais qu'elle sera là pour m'accompagner et me soutenir. Elle m'explique que ne plus souffrir ne signifie pas que je vais oublier et être amnésique.


Et mes parties dissociatives qui sont pressées d'avancer et ne plus souffrir sont tempérées par elle. Ces parties dissociatives ont tendance à chercher un "médicament miracle", une "personne miracle" qui en quelques séances pourra nous rendre "normale", enlever cette souffrance quotidienne, effacer ce vécu en quelque sorte... une pensée magique encore bien ancrée... Là aussi, ma psychiatre nous aide à rester dans la réalité. Aucun médicament n'est miraculeux, elle n'est pas une "sauveuse". Elle nous aide en nous rappelant ce que fait biologiquement le propranolol sur notre cerveau et notre corps. Elle réexplique les mécanismes à l'œuvre dans la dissociation. Les avantages du médicament et ses limites.


J'ai l'impression de sortir enfin la tête de l'eau après des mois et des mois de souffrance, de conflits... Je retrouve ma capacité à espérer, me projeter vers l'avenir, avoir des objectifs... Je commence à retrouver un peu de dialogue interne et le brouhaha permanent de ces derniers mois semble se calmer et s'apaiser...


J'essaie de ne pas m'emballer trop vite.


J'ai des parties qui ont encore très peur, peur que tout se casse la figure et qu'on soit encore blessée ou trahie. Je me sens encore très fragile mais ma capacité à espérer et reprendre confiance revient tout doucement...


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