Je dois faire des démarches pour mes enfants, m'occuper de leur carte de bus.
J'ai rassemblé les papiers, les démarches sont compliquées car ce n'est pas le même organisme qui s'occupe des deux cartes. J'ai passé des heures sur internet pour comprendre comment faire. M'occuper de ce genre de démarches me laisse toujours très angoissée et stressée. J'ai peur de mal comprendre, j'ai peur de me tromper. Quand le stress monte, ensuite j'ai de la colère et de l'exaspération qui vient. Pourquoi je ressens cette angoisse ? Ceux ne sont que des cartes de bus ! Pourquoi ces parties font-elles cela ? Elles m'énervent !
Puis comme le conflit monte en moi, peur, angoisse, colère, reproche interne, je sens une très grande fatigue m'envahir. Je suis coupée de toute force, toute énergie. Aller à l'encontre de cela me demande un effort énorme ! Et je ressens de la tristesse et beaucoup de phrase pleine de fatalité tournent dans ma tête. Je ne vais jamais y arriver, c'est trop dure, je ne suis pas capable, je veux mourir...
Je réussis à aller aux deux écoles car je dois faire tamponner des papiers pour avoir droit à cette carte de bus. Dans l'une pas de problème, dans l'autre la directrice refuse. "Vous aurez les papiers à la rentrée, on vous donnera un justificatif à ce moment là." Ca hurle à l'intérieur de moi. C'est juste un tampon ! Ca prend deux secondes ! Elle ne me laisse pas expliquer, elle me traite comme un bébé débile. Mes filles n'auront pas leur carte à la rentrée et le temps qu'ils fassent les cartes, peut-être que deux ou trois semaines auront passé après la rentrée... Mais quelle égoïste, mais quelle abrutie ! Colère ! Rage !
Puis Colère et reproche contre moi-même. Si tu t'y étais prise plus tôt, elle n'aurait pas refusé. C'est ta faute ! Tout est de ta faute ! Tu es une incapable !
Je switche en une partie petite qui ne sait que s'écraser et demander pardon, s'excuse au-près du secrétariat et remercie et je sors, toute timide et effacée. Dehors, je switche. Colère mais quelle abrutie ! Pourquoi tu es venue toi ? Tu m'énerves ! Je ne veux pas être comme ça ! Tu me fais passer pour une abrutie ! On aurait dû gueuler et insister ! Par ta faute on n'a pas le papier ! Comment on va faire ?
Je rentre. Suffisamment de stress pour aujourd'hui ! On verra un autre jour pour la suite des démarches !
Ce matin, je monte dans ma voiture et me dirige vers l'emplacement de l'organisme qui délivre les cartes de bus. Je connais l'endroit mais je suis bouleversée. Je ne fais que switcher et je n'arrive plus à me repérer. Je mets mon GPS pour réussir à retrouver le lieu. Malgré le GPS je suis obligée de le remettre en marche deux fois car je passe devant l'endroit sans le voir. Je suis perdue. Colère, peur, doute, hurlement... Je me mets à trembler et à paniquer. Comment je vais faire pour trouver ? Si je ne trouve pas mes filles n'auront pas leurs cartes !
Un stress s'ajoute. C'est jour de marché. Les rues sont noires de monde, des voitures sont garées sur les trottoirs, dans tous les sens. Mon stress augmente. Je suis obligée de me garer loin. J'essaye de me concentrer pour mémoriser le chemin que j'aurai à parcourir pour me rendre au bureau de l'organisme. Je panique un peu.
Je gare ma voiture. Je sors. Il y a plein de gens. L'angoisse monte. Je n'aime pas quand il y a trop de monde. Je me sens agressée par les regards, les gestes. Comme si mon corps devenais hypersensible et aux aboies, en hyper vigilance et qu'il est en surdose à cause du trop plein d'informations à analyser.
Une dame est derrière son comptoir en plexiglas. Elle parle toute seule très fort et commente tout haut tout ce qu'elle fait. J'entre, elle lève les yeux, me regarde et les rebaisse et continue ses hurlements commentant ce qu'elle écrit. "Enveloppe manquante, téléphoner à la maman et lui dire de passer avec l'enveloppe ou la carte ne sera pas faite ! Là, c'est bon ! Là, les gens font vraiment n'importe quoi ! Ils ne savent pas lire ou quoi?..."
Elle me fait attendre une dizaine de minutes. Ses hurlements me font stresser et paniquer à l'intérieur. Puis elle se tourne vers moi. "Madame, à nous ! Le masque est obligatoire ! Si vous n'avez pas de masque vous ne pouvez pas vous approcher !". En tremblant je fouille dans mon sac et trouve le masque et l'enfile. J'ouvre mon dossier, entre temps, elle a repris son monologue et ne s'occupe que des papiers devant elle comme si je n'existais pas. Intérieurement, ça gueule. Mais elle est con celle-là ! Quel manque de respect ! Elle est obligée de gueuler comme une poissonnière ? Et je me sens très stressée et angoissée. J'entends des pleurs et des hurlements. Des hurlements dehors (la femme) et des pleurs et des hurlements à l'intérieur. La fatigue m'envahie à nouveau.
J'essaye de reprendre le contrôle. Je suis là pour faire des papiers. C'est important ! Bientôt ce sera fini.
La dame jette un regard à mon dossier et dit "vous êtes au RSA ! Si vous êtes au RSA ce n'est pas ici que vous devez venir. C'est écrit sur les papiers Madame, il faut les lire!". Je fais un blackout. Je n'arrive plus à réfléchir, plus à bouger, plus à parler. Qu'est-ce qu'elle a dit ?
Je reprends le contrôle et je lui dit d'une petite voix "non je ne suis pas au RSA". Des gens entrent derrière moi. Elle hurle aux gens "Les masques sont obligatoires si vous n'avez pas de masques vous ne pouvez pas déposer votre dossier". Un homme derrière se fâche. Il n'en a pas.
Elle me regarde et dit "C'est bon Madame ? Au suivant!".
Je hausse le ton, non, je ne suis pas au RSA, je viens faire des cartes de bus et je pense que c'est bien ici. Elle me regarde "Ah bon, vous n'êtes pas au RSA ?" "Bon donnez moi vos papiers". Je lui tends. Ca hurle à l'intérieur. Et ta mère elle est au RSA vieille bique ? Non mais tu te prends pour qui ? Saloperie !
La dame regarde les papiers. Vous n'avez pas rempli cette case Madame, il faut la remplir. J'objecte que c'est une case marquée "réservée à l'administration". Elle me regarde comme si j'étais la dernière des abruties et me dit que c'est à moi de les remplir. Elle articule bien haut et fort chaque mot comme si je ne comprenais rien.
Je switche. Elle me prend pour une abrutie, je deviens une abrutie. Je perds mes moyens. Je suis à nouveau une petite fille, perdue, timide.
Elle me dit de revenir avec les papiers remplis. Je tremble, je bafouille, je range mes papiers, la remercie, m'excuse et fait demi-tour.
Quand je sors, explosion et hurlement ! On va pas se retaper cette torture une deuxième fois, retourne y, remplis les et donne lui ! Pitié mais que tu es conne ! Tu es bonne à rien ! J'en ai marre !
Ca hurle tellement là dedans !
Je décide de rentrer. Je suis trop épuisée à nouveau. Chaque pas est une torture. Je n'ai plus de force.
Je regarde autour de moi. Je ne reconnais rien. J'ai une voiture. Je suis venue en voiture. Je dois retrouver où je me suis garée. Où est-ce que je suis? Je ne reconnais rien. C'et par là je crois. Je marche pendant 30 minutes. Je cherche dans toutes les rues. Pas de voiture. Ce n'est pas là ! A l'aller j'ai bien fait attention pourtant ! J'ai mémorisé le trajet, j'ai gravé dans ma mémoire des points de détails. Pourquoi je ne m'en souviens pas ? Colère. Fait chier ! Va t'en ! Cette partie qui m'empêche de me repérer, cette partie qui me fait me sentir perdue à chaque fois que je dois aller quelque part m'énerve ! Je voudrai qu'elle n'existe pas ! Elle me pourrie la vie ! Je perds du temps ! J'ai d'autres choses à faire aujourd'hui ! A cause d'elle je vais perdre ma journée et je ne vais peut-être pas retrouver ma voiture ! Et si je ne retrouve pas ma voiture ? Je suis perdue ! J'ai peur ! Au secours !
Une autre demi-heure passe.
Je parviens enfin à retrouver où j'étais garée. Putain ! 1 heure ! J'ai perdu une heure !!!
Fait chier !
J'ai pas les papiers ! J'ai pas réussi ! Je suis nulle ! Je suis bonne à rien ! Je suis une mauvaise mère !
J'en ai marre ! Cette vie est nulle ! Je n'arrive à rien. Je n'y arriverai pas !
C'est tout le temps ainsi.
La partie petite qui ne sait rien et est perdue. Elle vient quand en face je dois faire des démarches et qu'on ne m'écoute pas, que la personne en face est agressive. Systématiquement, elle apparaît et avec elle je ressens de l'angoisse, un sentiment d'incompétence, de la peur... Je ne sais plus qui je suis, comment je m'appelle, je ne sais plus remplir des papiers... Je deviens une toute petite fille perdue et qui a peur quand elle est là.
La partie qui m'empêche de me repérer dans l'espace. Cette partie vient systématiquement quand je dois me rendre quelque part. Parfois sa présence dure une petite seconde, parfois, elle reste des heures et m'empêche de retrouver mon chemin ou me rendre à un rendez-vous. Si mon patron me demande de conduire d'autres nouveaux employés à un endroit, l'espace d'une seconde, j'ai un pique de stress énorme. Je panique, je ne reconnais plus rien, je ne sais plus où se trouve cet endroit, je suis incapable de m'y rendre. Souvent je me sers de mon GPS comme aide mais cela ne fonctionne pas toujours car cette partie brouille mes repères et malgré les indications, ils m'arrive souvent de devoir tourner plusieurs minutes voir pendant une demi-heure avant de réussir à trouver l'endroit.
Pendant plusieurs années, j'ai été empêchée par cette partie de me rendre dans un lieu que j'affectionne beaucoup avec mes filles. C'est un coin de baignade non loin de chez moi. Cet endroit est magnifique et paradisiaque. Pour m'y rendre, cela n'est pas compliqué, il me suffit d'aller tout droit de chez moi. Et bien pendant 3 ans, j'ai essayé à de nombreuses reprises de m'y rendre seule ou avec mes filles et je n'ai jamais retrouvé l'endroit. Je m'y suis rendue avec un ami, là le chemin était facile à trouver mais seule, j'en étais incapable. En fait, à chaque foi que j'ai essayé d'y aller seule, c'est comme si un voile noir était mis sur ma vision, une zone d'ombre et je ne vois pas l'endroit où je dois me garer. Cet endroit n'existe pas dans mon cerveau, n'existe pas dans ma vision. J'ai fini par comprendre pourquoi cela m'était interdit de m'y rendre. Il y a 3 ans, une femme, une joggeuse y a été retrouvée morte sans doute assassinée. Je pense que plusieurs de mes parties ne voulaient pas que je puisse m'y rendre car pour elle je n'y serais pas en sécurité... Et je pense que cette partie qui m'empêche de me repérer dans l'espace est là car lorsque j'étais petite, j'ai été emmenée dans des lieux à l'extérieur pour y être violée. Je ne devais pas savoir où j'allais. Je ne devais pas retenir la route car mes violeurs m'auraient tuée si j'avais pu mémoriser le trajet. Je pense que cette partie s'est créée pour assumer ce rôle : me protéger en m'empêchant de savoir où on m'emmenait.
Pour la partie petite qui me fait perdre mes compétences de femme adulte, je ne sais pas. Je ne comprends pas encore pourquoi elle vient croyant devoir me protéger. J'ai remarqué que c'est quand je dois faire des démarches administratives et que je me trouve face à une personne agressive et qui se fiche pas mal de faire son boulot correctement et me traite mal ou de façon irrespectueuse. Et si la personne en face me prend pour une débile et insinue que j'ai les capacités intellectuelles d'un poisson rouge cela augmente le stress de cette partie et fait perdurer sa présence au premier plan. J'ai remarqué aussi que cette partie vient quand je dois faire face à une personne agressive ou qui se braque. Je pense que mon système croit que si je me présente fragile et vulnérable, enfant, les gens en face seront plus indulgent, plus bienveillant et moins agressifs. Parfois cela fonctionne mais parfois cela fait empirer la situation. Certaines personnes ont tendance à écraser encore plus les personnes fragiles et cela s'est souvent produit dans mon quotidien. Ce mode de fonctionnement peut ou a pu me revictimiser par le passé. Et je ne parviens pas encore à vraiment modifier cette réaction instinctive.
La présence de ces deux parties est une grande source de conflits intérieurs. Elles sont très présentes au quotidien. Ne pas comprendre exactement pourquoi elles croient devoir venir et intervenir dans mon quotidien pour me protéger m'exaspère ! Leurs interventions m'handicapent énormément ! Et pour l'instant je n'arrive pas encore à les rassurer et les calmer et leur montrer que leur intervention n'est plus nécessaire dans ma vie d'aujourd'hui.
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