Depuis 3 semaines, je suis en conflit avec ma thérapeute.
Plusieurs événements et décisions qu'elle a prise ont réactivé mes alarmes intérieures. Et mes parties dissociatives protectrices, des parties très en colère sont venues et nous bloquent actuellement en thérapie.
J'essaie de comprendre et analyser ce qu'il se joue entre nous. Pour m'y aider, je relis le livre "Gérer la dissociation d'origine traumatique" de Van Der Hart, Steel et Boon. Les citations entre guillemets sont tirées de ce livre.
Il existe 2 sortes de parties en colère.
-Les guerrières
"Le premier type concerne des parties qui se tiennent en état de guerre défensive : prêtes à vous protéger. (Elles ont) tendances à l'attaque et au combat. C'est leur stratégie essentielle de survie. Ces parties combattantes sont très rigides et voient partout du danger et des intentions erronées. Elles utilisent souvent la colère comme une protection contre la honte, l'angoisse, la douleur, le désespoir, l'impuissance et la perte."
-Les imitatrices de mes agresseurs
"Le deuxième type de parties coléreuses ressemblent très fort à bien y regarder à l'(les) agresseur(s) d'origine. Elles imitent ceux qui les ont agressées par le passé. Elles vous disent souvent les mêmes choses que celles qui vous ont été dites. La conséquence de ces affirmations est l'apparition progressive d'un sentiment de dévalorisation, de honte, d'angoisse ou de solitude, comme dans le passé!"
Ma psy a recadré les règles entourant notre lien thérapeutique et la thérapie que je suis avec elle. Je vie cela comme un rejet de sa part, une mise en distance.
Immédiatement, j'ai des parties qui se sont réactivées et ont pensé que ma psy allait m'abandonner et m'annoncer qu'elle stoppait mon suivi.
Certaines de mes parties sont très en colère contre elle et cherchent à la provoquer soit en lui écrivant des mails où elles expriment leur colère soit en me répétant en boucle dans la tête que je ne peux plus avoir confiance en ma psy et que je dois stopper mon suivi avec elle. Je suis très bouleversée !
Cela me bouleverse d'autant plus que ce "recadrage" intervient à un moment où je faisais un bon énorme dans la thérapie et où j'avançais de façon rapide et incroyable. Ce "recadrage" m'a fait l'effet d'une claque, d'une punition à ces avancées spectaculaires dans ma thérapie.
La situation est donc très complexe intérieurement. L'intégralité de mes parties dissociatives se sont réactivées mais pas toutes pour les mêmes raisons ni déclencheurs.
Il est donc très compliqué pour moi d'y voir clair et de prendre du recul sur la situation.
Certaines sont réactivées car :
- Cela leur rappelle des situations douloureuses du passé,
- Cela réveille des sentiments ou souvenirs qu'elles refusent d'affronter et ressentir ou écouter,
- Cela met en péril notre guérison puisque cela "coupe" l'élan dans le quel nous étions où toutes mes parties avaient accepté de collaborer et d'apprendre à s'écouter et se comprendre mutuellement.
Les situations douloureuses du passé :
Cette situation a réveillé tous les moments en moi où j'ai été rejetée, abandonnée, trahie, blessée.... J'entends des pleurs dans ma tête comme lorsque j'ai pleuré à chaque fois que l'on m'a abandonné. Je ressens de la honte, j'ai le sentiment que je ne peux pas être aimée, que je n'en suis pas digne puisque immanquablement on finit par me rejeter... Et des scénarios catastrophe tournent en boucle dans ma tête. Je me sens à nouveau très seule et abandonnée.
La colère pour moi est associée à différentes choses :
J'entends des pensées du style :
"tu ne vaux rien ! Tout le monde te déteste ! Tu n'es qu'une merde! Personne ne te vois, tu n'existes pas, tu n'es rien ni personne ! Tu ne mérites pas d'être aimée, tu es trop mauvaise pour cela ! Si tes parents t'aimaient ils te protégeraient, ils sont où là? Tu crois seulement que quelqu'un peut te protéger mais tu es qui ? Tes parents, les gens que tu aimes je peux en faire ce que je veux ! Je suis Dieu ! Je suis tout puissant et tu ne peux rien contre moi ! Baisse les yeux ! Baisse les yeux ou je te cogne ! Tu n'es qu'une merde ! Moi je t'aime et c'est comme ça que tu me remercies ? Il va falloir changer de comportement ma petite ! Où ça va mal aller! Je vais te le faire payer !" Ceux sont les paroles de mes agresseurs que j'entends à nouveau comme si ils étaient là.
Je ressens des douleurs dans mon corps :
J'ai mal au sexe, je sens des mains qui serrent mon cou et tentent de m'étrangler, j'ai mal dans les omoplates... Je revis dans ma chair la violence que mes agresseurs ont commise sur moi...
Ceux sont mes parties qui imitent mes agresseurs qui tentent de me protéger.
"Leur intention n'est pas de faire du mal, mais seulement de vous protéger. C'est pourquoi elles dirigent parfois plus leur rage et leur agression vers d'autres parties sises à l'intérieur plutôt que vers le monde extérieur. Dans le passé, réagir envers le monde extérieur aurait effectivement causé bien davantage de problèmes. Il était même probablement dangereux de laisser poindre votre colère."
"Dans leurs yeux, montrer sa vulnérabilité ou sa faiblesse mène à un nouvel abus qu'elles veulent prévenir à tout prix. Elles ne veulent donc pas que vous commenciez à espérer, parce qu'elles pensent que tout espoir est faux."
Tout se mélange dans ma tête. Ma psy devient l'un de mes agresseurs. Elle cherche à me punir. Ces parties agissent donc en essayant de me prévenir que faire confiance à ma psy est une mauvaise chose. Que si je ne la fuie pas, elle va me faire du mal, elle va profiter de la situation... Et je ressens de plus en plus de colère contre elle car certaines autres parties rendent ma thérapeute responsable de toutes cette résurgence de souffrance que je ressens actuellement.
Certaines parties sont phobiques de la colère et ont la croyance qu'elle signifie perte de contrôle et souffrance :
"Elles pensent que la colère les rend plus vulnérables à davantage de douleur et de souffrance." "Les sensations qui accompagnent la colère peuvent être extrêmement intenses et débordantes." "Parfois, cette émotion peut être vraiment si puissante qu'elle en devient angoissante."
J'ai beaucoup avancé sur l'acceptation de ma colère.
Au début j'avais très peur et j'en étais totalement phobique ! Je pensais qu'accepter d'écouter cette partie de moi, ce sentiment reviendrait à me noyer dedans et en mourir.
"Il est donc important de mémoriser que la colère est une émotion qui dirige le comportement sans être en elle-même un comportement. Un sentiment de colère n'est ni dangereux ni mauvais. Etre en colère appartient donc bien à la vie et ne peut être évitée. La question qui se pose vraiment est la suivante : comment gérer la colère et comment apprendre à l'extérioriser de manière acceptable ?"
J'ai toujours rejeté l'expression de ce sentiment en moi parce que dans la secte il m'était interdit de l'exprimer et que pour certaines parties de moi agir et être en colère revient à être un agresseur, à être comme mes bourreaux. Mes parties qui portent de la colère se sentent donc indésirables à l'intérieur de moi. Il m'est arrivé de souhaiter que ces parties de moi disparaissent, meurent pour qu'enfin j'en sois libérée .
"Ces parties ont le plus souvent une position très isolée et se sentent exclues, haïes ou peu respectées par les autres parties dissociatives".
Puis j'ai appris à accepter d'écouter ma colère, à accepter qu'elle était légitime et saine. J'ai appris à ne plus avoir honte de la ressentir.
Et c'est le cas actuellement ! Je ressens même un sentiment de puissance et je me sens extrêmement bien grâce à leur présence ! Je me sens entière, forte. J'ai l'impression de voir enfin les choses dans leur intégralité.
Ce qui me rassure et me fait penser que je ne suis pas dans un mode de fonctionnement binaire comme j'ai pu l'être par le passé est que je suis néanmoins capable de contrôler son expression quand je la ressens. Je suis capable de verbaliser, de prendre du recul, d'analyser la situation.
Le gros travail que mes parties et moi faisons actuellement est de trouver comment extérioriser cette colère de façon saine.
Extérioriser sa colère peut être destructeurs si :
- C'est l'expression de fantasmes de vengeance
- Des attitudes vengeresses dans le présent
- Se faire du mal à soi-même ou aux autres
- Se décharger sur des gens (ou des animaux) innocents
- Détruire des objets qui nous appartiennent ou appartiennent à quelqu'un d'autre.
Extérioriser sa colère peut s'exprimer de façon saine si :
- On en parle avec respect à quelqu'un d'autre ou avec nos parties dissociatives intérieurement
- On l'exprime de façon non verbale : on l'écrit, on dessine nos sentiments, on fait des efforts corporels (marcher, jardiner...)
- On travaille à une solution positive des questions à propose desquelles on est fâché
- On met en évidence des émotions sous-jacentes (honte par exemple) et accepter qu'on ne peut pas changer une situation
"C'est seulement si l'expression de la colère est jumelée avec le contrôle sur votre comportement et qu'il mène vers un changement réel des croyances de base que cela peut contribuer à la guérison".
"J'ai été maltraité dans le passé et je suis en colère à ce propos, à juste titre. Mais, maintenant, je veux apprendre à lâcher la colère et faire de la place à d'autres sentiments. Etre constamment en colère ne m'aide pas à bien fonctionner et cela ne me rend pas plus heureux."
Petit à petit j'ai appris à :
- Repérer le moment ou je commence à être irritée ce qui est le signe que quelque chose réactive ma colère. Je sais à présent que si je n'y suis pas vigilante, la situation et ce ressenti prendra de l'ampleur. Si c'est possible, je fais une pause dans ce que je fais.
- J'essaie d'être consciente et à l'écoute de mon corps. Est il tendu ? Mon rythme cardiaque s'accélère, l'adrénaline qui parcours mon corps...
- Lorsque je ressens ces signes, j'essaie de prendre du recul et de réfléchir à la situation. Qu'est ce qui a déclenché cela ? Pourquoi ? Qu'est ce que je crois ou pense ? J'essaie d'écouter mes différentes parties dissociatives et de discuter avec elles. Je tente de confronter les analyses et réactions intérieurs et que tout le monde s'écoute.
- J'ai appris à remercier intérieurement ces parties portant mes sentiments de colère, à leur dire mon respect et mon amour pour le rôle difficile qu'elles ont eu a jouer dans ma survie.
- J'essaie de trouver une personne pour m'aider à prendre du recul face à la situation. Ces jours-ci je dialogue beaucoup avec ma sœur pour confronter avec son regard extérieur la situation actuelle. Voir si elle pense comme moi ou si elle voit les choses différemment. Cela m'aide beaucoup !
- Je sais à présent que ma colère a un début, un milieu et une fin. J'ai donc moins peur de l'écouter. Je sais que ce que je ressens va se calmer.
- J'accepte à présent de la ressentir dans mon corps, je ne lutte plus contre elle et ne la rejette plus comme n'étant "pas moi". Je laisse mes parties en colère partager avec moi par petites gouttes et mes parties calmes et zen, positives les aident à expérimenter à leur tour ce que c'est que d'être calme et en paix. Nous échangeons nos vécus...
Avec ma psy, je cherche encore comment exprimer et accueillir l'expression de ce sentiment fort.
En thérapie en ce moment, uniquement des parties "adultes et calmes" se présentent à elle. Je m'adresse à ma psy de façon posée, avec une voix grave et très calme, assez froide et distante. De temps à autres mes parties en colère passent de façon fugace sur mon visage. Je peux lui lancer des regards noirs ou avoir des micros expressions de colère sur mon visage. Je contrôle l'expression et la possibilité pour mes parties en colère de dire ce qu'elles pensent et ressentent. C'est un fonctionnement que j'ai toujours eu. Je n'ai jamais pété un plomb au point de me mettre à gueuler et insulter une personne. C'est quelque chose qui m'est interdit intérieurement.
Mes parties calmes et froides sont "missionnées" pour être les portes paroles de mes pensées et ressentis intérieures.
Je laisse mes parties en colère s'adresser à ma thérapeute via des mails que je lui envoie mais même là, un certain contrôle est gardé. Je n'écris pas non plus tout ce qui les traverse. Si non je ne pourrais envoyer certains jours que des émoticônes de "caca", de bonhommes en colère et des insultes... Ce qui ne m'apporterait rien ! Ce que j'écris est un point clé, une croyance de base que cette partie en colère a dans le but d'informer ma psy et de l'orienter sur ce dont j'ai besoin de discuter et d'analyser ensuite en thérapie.
Parfois cela fonctionne parfois pas...
Nous avons, ma psy et moi, un peu de mal à retrouver comment dialoguer ensemble. J'ai l'impression que dans ce conflit il y a des choses qui m'appartiennent mais qu'il y a également en jeu des choses qui concernent uniquement ma thérapeute. Que ce conflit qui nous oppose et ce recadrage a touché quelque chose qui lui est propre et que je ne suis pas la seule à me débattre avec mon histoire passée.
Et c'est là que cela devient compliqué et que notre lien est en péril. Une confiance et une complicité forte nous liaient et il faut que nous retrouvions chacune une sécurité autre pour pouvoir continuer...
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