Je lis un peu partout des gens qui parlent de leur hôte, de leur partie originelle, de la première partie présente dans le corps avant qu'il n'y ait scission. Dans les groupes TDI anglais, ils parlent beaucoup de cela, "the host" et je le retrouve également dans des autobiographies de personnes TDI.
Je n'aime pas du tout ce concept !!! Cela sous entendrait qu'une partie est plus importante que les autres, a plus de légitimité à avoir le corps...
Pour moi, adhérer à cela revient à faire perdurer les barrières dissociatives !
Cela a peut-être du sens de parler de partie originelle quand la dissociation est sous forme de trouble de stress post traumatique et que les parties dissociatives ne sont que des bribes de souvenirs et de sensations, émotions. Mais dans le cas d'un TDI ou les parties dissociatives sont capables d'indépendance de pensées et d'agissements, je ne crois pas que ce terme soit bon.
Le trauma a été vécu par la personne dans son ensemble, pourquoi devrait on donner plus de légitimité et d'existence à une partie plutôt qu'à une autre ? Cela revient à séparer et différencier ce qui a été vécu, les bonnes choses pour "l'hôte" et les mauvaises pour "les autres parties...
Je pense que lorsque nous naissons nous sommes tous capables d'être en colère, heureux, sérieux, attentifs, observateur, bienveillant, à l'écoute, défensifs, protecteurs envers nous-mêmes ou les autres... puis au fil du temps, notre comportement se lisse en fonction de ce que nous vivons. Nous apprenons à prendre soin de nous mais aussi à partager, à nous protéger mais aussi à nouer des relations, à nous défendre et à faire confiance. Nous apprenons à vivre en société, à respecter ses règles, ses interdits et connaître nos droits. En apprenant à reconnaître nos émotions, nous pouvons les tempérer et les adapter à la situation et nous devenons ainsi un "être humain normal", une seule et même personne dans tout ce que nous ressentons, disons et faisons. J'aime assez l'image du quartier d'orange. A l'origine, chaque enfant est une orange, chaque quartier représente la palette d'émotions et de ressentis qu'il a en sa possession. Au départ, les quartiers ne sont pas complètement collés, scindés les un aux autres, ils sont en construction. Puis en grandissant, ils forment un tout, une sphère, l'orange, qui se vie en tant que "je". Mais si dans notre enfance, nous vivons des traumatismes, et que certaines émotions que nous ressentons n'ont pas le droit d'être exprimées alors l'orange reste séparée et chaque quartier se voit comme "je", l'orange n'a pas de peau pour la fermer et les quartiers sont ainsi décollés les un des autres.
Je vois le but de la thérapie en 3 phases comme le fait de "recoller ces morceaux", ces "quartiers d'orange" jusqu'à parvenir à être "je" avec tout ce que nous ressentons, pensons, vivons.
Lorsque je lis ce mot "host", j'entends des parties qui hurlent dans ma tête.
Comme ça, la "partie originelle", la "vrai partie" de ce corps serait celle qui n'a pas eu à vivre les souffrances et les terreurs ? Donc toutes les autres ne seraient que des "parasites"qui devront s'intégrer à cette partie originelle ?
Mais de quel droit ?
Sans nous, sans les parties qui ont accepté de vivre et porter le poids des traumatismes, l'hôte serait mort ! Nous les parties qui avons accepté d'être fortes, courageuses, survivantes nous serions en fait des parties insignifiantes, sans valeurs ?
Sans nous, elle aurait crevé ! On a pris le poids de la souffrance parce qu'elle a dit qu'elle ne pouvait pas, que c'était trop dure, trop atroce physiquement et émotionnellement à supporter ! On l'a fait parce qu'elle a été lâche ! C'est elle qui nous a appelé !
et maintenant ce serait elle qui récolterait tous les lauriers ? Cette petite couarde, fragile et insignifiante ? Sans nous elle serait six pieds sous terre, bouffée par les vers depuis longtemps !
Pourquoi une partie serait elle plus importante qu'une autre ? En fait ce que je comprends c'est que toutes mes parties sont importantes, toutes mes parties sont "moi". Et c'est grâce à chacune d'entre elles que j'ai survécu ! Je suis les "petites couardes", je suis "maman", je suis "petite des cages", je suis "celle avec son manteau bleu qui recouvre de paix et d'amour", je suis les "warriors" en colère, je suis les "intellos", je suis "le mec", je suis "celle qui endort", je suis "celle qui gèle les ressentis", je suis "les grossières", je suis "les sexis", je suis "les contrôles", je suis les "observatrices"... Mais PAN n'ont pas plus de légitimité que mes PE. Chacune a eu un rôle à jouer dans ma survie, chacune a été importante, chacune est le "moi originel". Parler en terme de "hôte" revient à continuer à penser que certaines choses sont "moi" et d'autres me sont "étrangères", ne sont pas "moi".
Et dernier point, parler de hôte revient à retirer le choix à une partie. En gros, une partie serait obligée d'en intégrer d'autres, les parties seraient obligées de s'intégrer à celle-là... Pourquoi toujours vouloir tout contrôler, tout mettre dans des cases "légitimes/pas légitime", "bien /pas bien"? C'est encore une façon de faire perdurer cette vision manichéenne que nous avons alors que pour guérir du TDI pour moi c'est tout le contraire qu'il faut faire ! Il faut nous aider à ne plus nous séparer, ne plus nous voir comme étrangère à certaines pensées, vécus, ressentis. Il faut nous réapprendre à nous voir en tant que "une" et une seule ! Nous avons UN corps, nous sommes UNE. Nous sommes la somme de nos parties dissociatives. Toutes nos émotions, nos vécus, nos pensées, nos actions sont "je, moi, Leelah".
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