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Photo du rédacteurLeelah

05/03/2022 Ukraine

Depuis 6 jours, mes émotions ont fait le yo-yo !!!! L'actualité, ce qu'il se passe actuellement en Ukraine m'a beaucoup réactivée.


Samedi dernier, en tout premier j'ai été envahie par des angoisses massives de fin du monde, de guerre... J'étais en mode "survivaliste". J'ai passé la journée de samedi sur des sites survivalistes à lister tout ce que je devais acheter pour survivre, comment faire mon sac de survie, réfléchir à où fuir.... A ce moment là, j'étais comme dans une sorte de tunnel, incapable de voir la distance kilométrique entre l'Ukraine et la France, incapable de comprendre que les soldats ne se dirigeaient pas vers chez moi. Il fallait que je fuie et je n'avais que quelques heures pour le faire. Tout allait péter et partir en couilles dans quelques heures, ma rapidité à me préparer au pire était ma seule chance de survie... J'ai échangé par texto avec ma mère et ma soeur, leur disant de faire de même...


Dimanche, d'un coup j'ai retrouvé ma capacité à voir les choses avec des nuances. J'ai pu discuter avec ma soeur de la situation, me calmer... J'ai essayé de comprendre d'où venaient ces angoisses massives qui m'avaient envahies.


La femme du gourou dans la secte dans laquelle j'ai grandis avait un discours très survivaliste, fin du monde... J'ai baigné dans ce discours et ces croyances durant toute mon enfance. La femme du gourou voulait que chaque maison de la secte soit autonome avec son garage, sa boulangerie, son jardin... Officiellement c'était pour savoir tout faire, son jardin pour se nourrir, la couture pour faire ses vêtements... Un discours de "retour à la terre" genre "valeurs bio" mais ses valeurs réelles étaient dissimulées. En aparté elle avait des propos très parano et totalement survivalistes.


Je pense que j'ai des parties dissociatives qui sont encore très imprégnées de ce discours.


Je pense que des parties se sont également réactivées à l'annonce de cette guerre en réaction à la "guerre civile" que j'ai vécu en Afrique lorsque j'étais petite.


Et j'ai également des parties qui m'ont envoyé en boucle l'image (le souvenir) des photos de corps que le gourou m'avait montré lorsqu'il était rentré du Rwanda après les conflits entre Hutu et Tutsi. Il m'avait menacé de me faire la même chose qu'à ces gens si je n'étais pas obéissante.


Dimanche, j'ai eu une sorte de "répits". J'ai été capable de réfléchir, de me questionner, de dialoguer intérieurement pour identifier quelles étaient mes pensées, mes réactivations....


Puis lundi. L'horreur. Cela faisait vraiment plusieurs mois voir années que je n'avais pas eu des attaques de paniques et crises d'angoisses aussi fortes !!!!! J'entendais chialer non stop dans ma tête (des parties dissociatives qui pleurent parce qu'elles sont terrorisées). C'était vraiment insupportable !!! Cela a commencé dès que je me suis réveillée et ne s'est stoppé qu'en fin d'après-midi. Associé à cela, j'avais une putain d'envie de vomir, un boulet de canon qui me plombait le bide et une boule dans la gorge. J'étais envahie par l'envie de me jeter parterre, me rouler en boule et hurler et pleurer.


C'est assez étrange. Samedi ma vision des choses était "rétrécie", je n'arrivais pas à voir toute la "réalité. Je ne percevais pas la distance kilométrique, la complexité des accords internationaux, la protection qu'offre l'OTAN et l'Europe... Mais j'étais en mode "combattante" et "survie". A contrario, lundi, ma vision était également "rétrécie" mais là, j'étais vraiment "perdue" dans mes émotions beaucoup trop fortes et mon "monde intérieur" avec les pleurs internes qui prenaient toute la place. J'étais incapable de me concentrer, ressentir, entendre autre chose que ces pleurs de terreurs et les sensations corporelles qui y étaient associées. J'étais comme "paralysée", "impuissante", en mode "petite fille qui subie et souffre".


J'ai appelé ma psychiatre en urgence et lui ai demandé un rendez-vous. Elle m'a reçue lundi en fin d'après-midi. Nous avons réadapté mon traitement pour gérer les crises d'angoisses et avons beaucoup discuté pour resituer les événements actuels dans la réalité de l'ici et maintenant.


Intérieurement, nous avons mis en place certaines choses. Je ne lis plus de choses sur l'actualité en Ukraine car cela me réactive trop. Et nous avons accepté un compromis avec mes parties "survivalistes", j'ai préparé un petit sac de survie que je garde avec moi dans ma voiture. La contrepartie étant que ces parties cessent de s'inquiéter et penser au pire des scénarios.


J'ai mis quelques jours à me calmer et retrouver un peu de sérénité mais je crois que ça y est, le calme est revenu à l'intérieur.


Je suis vraiment persuadée que le mécanisme de se réactiver est un essai constant du cerveau pour nous amener à réparer un dysfonctionnement. A l'époque, nous n'avons pas pu intégrer ce qu'il se passait car nous n'avions pas les clés pour analyser et comprendre les événements. Mais à présent, nous le pouvons et notre cerveau essaie encore et encore jusqu'à ce qu'on y parvienne... Au final, c'est un très bon mécanisme ! Même si c'est chiant à vivre tant qu'on refuse d'y faire face et qu'on le fuit...


Personnellement, je ne suis pas d'accord avec les gens qui mettent des "warning trigger"avant d'écrire des choses sur le viol ou les violences. Parce que je trouve cela débile. Le cerveau se débloque quand on est prêt à faire face et si il ne l'est pas, il se débrouille pour qu'on ne sache pas soit par un épisode d'amnésie soit par de la déréalisation ou dépersonnalisation... Pour moi, être réactivé est aidant, c'est toujours l'occasion d'avancer, de se comprendre, de changer sa vision des choses, ses croyances... L'Ukraine m'aide (désolée c'est bizarre dit comme ça) à mieux me rendre compte que j'ai des croyances ancrées liées aux croyances de la femme du gourou, que je fais des amalgames avec des situations passées que j'ai vécu. Cela m'aide à creuser et remettre des échelles entre les événements, séparer passé et présent... Au final, on ne peut pas se protéger de la vie ! Etre confronté à la vie de tous les jours, c'est cela qui aide à guérir. Si on m'avait mise dans une bulle sans informations, sans contacts avec qui que ce soit, je n'aurais pas été réactivée par la guerre en Ukraine. Mais du coup, je ne me serais pas rendu compte que j'ai des parties dissociatives qui ont intégré une pensée survivaliste de fin du monde, cela m'oblige à être curieuse, me questionner... Qu'est ce que je pense? Qu'est ce que je crois? Qu'est ce qui me réactive? A quoi est ce associé comme pensée, croyance, action? Comment puis je "remettre à l'endroit" mon monde ? Sans ces réactivations, rien ne change intérieurement...



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