Le 1er juillet c'est une journée sans pour moi. C'est ainsi depuis plusieurs années. Je ne sais pas vraiment si cela a toujours été le cas ou non. Mais c'est une journée sans.
Moi la Leelah adulte je ne vie pas vraiment cette journée. C'est comme ça depuis des années.
Hier matin je me souviens juste de m'être levée et d'avoir déjeuné à 6h. Petit à petit j'ai senti la tristesse et le désespoir, la douleur aussi m'envahir. Après je n'ai plus aucun souvenir. Je ne sais pas ce que j'ai fait jusqu'à midi. Je n'étais pas là. Le temps c'est arrêté. Est ce que j'ai dormi, est ce que j'ai fait quelque chose ? Je n'en ai aucune idée.
J'ai senti une fatigue écrasante envahir mon corps et un désespoir qui me faisait mal dans toutes les fibres de mon corps. Après je ne sais pas. J'ai disparu.
A midi un ami est venu et nous sommes allés au restaurant. J'ai assisté au repas mais comme si j'étais loin très loin, au fond d'un tunnel et que quelqu'un parlait et mangeait devant. Quelqu'un a pleuré et parlé. J'ai entendu des gens parler mais je ne ais pas vraiment qui.
Après à nouveau j'ai disparu.
Puis à nouveau j'étais dans le tunnel. Je voyais des images, des paysages autour défiler. Je suis en voiture. Je suis un peu plus devant mais c'est pas vraiment moi devant. Mon corps me fait mal. Je suis très triste. Je souffre. C'est douloureux d'avoir cette tristesse qui étouffe, elle empêche de respirer, elle oppresse la poitrine. Chaque respiration est douloureuse.
L'homme dans la voiture parle. J'entend qu'il parle parce que ça fait un bruit de font. Comme un bourdonnement d'abeille. Mais je ne comprends pas ce qu'il dit. Mes yeux fixent quelque chose, le paysage qui défile mais je n'arrive pas vraiment à le regarder.
Je souffre. J'ai mal ! Dans la tête ça pleure. Des gros sanglots. Des hurlements de rage. Des pensées noires. Il n'y a que ça. Rien d'autre n'existe. Ce qui se passe autour n'existe pas. Ce qui se passe à l'intérieur est la seule chose qui existe, la seule chose vrai, la seule chose tangible.
L'homme à côté parle plus fort : "oh ! Tu m'écoutes? T'es partie sur la lune là ou quoi?".
La réalité existe à nouveau. J'entends ce qu'il dit. Je lui répond. Lui répondre demande beaucoup d'énergie. Il ne faut pas repartir derrière ! Il ne faut pas que tout s'évapore. Je ne veux pas partir. Quand je pars, je souffre.
On va se promener. Je m'accroche. Je regarde les fleurs, l'eau, les branches des arbres. Ca lutte !!!
Une autre veut la place. Je ne veux pas !! Pitié !!
A nouveau tout devient brumeux, lointain...
L'homme à côté me parle encore, nous marchons mais tout me semble inexistant, faux comme dans un rêve. L'homme bourdonne mais je ne comprends plus.
Des pensées noires : "Si je saute dans l'eau maintenant ce sera fini, je ne souffrirai plus. Des voitures là bas... Si je cours d'un coup ce sera fini. Je sentirai plus. J'aurai plus mal. J'ai trop mal. J'en peux plus de souffrir. Je veux mourir." Mes yeux cherchent un moyen...
"Je suis tout seul. Personne. Il y a personne. Personne nous voit. Personne nous entend. Personne sait. Je suis tout seul. Y nous a abandonné. Pourquoi y nous a abandonné. Je veux aller avec lui. Personne y a personne !".
Le temps était suspendu ou au contraire très rapide parce que je ne sais pas vraiment de quoi a été faite cette journée.
Et je me suis réveillée ce matin et j'étais là. Bien. J'ai pu travailler toute la journée. Pas de brume. Pas de pensées suicidaires. Pas de colère. Pas de désespoir. Pas de tunnel. Pleine d'énergie.
J'étais là, j'étais moi, la Leelah adulte avec des compétences et qui connait son boulot et le fait bien.
Hier je ne sais pas qui j'étais. Hier n'a pas existé. Hier est un mauvais jour.
Hier ce n'était pas moi et je ne sais pas qui s'était.
Hier n'existe pas.
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